Sing Street est je dirais le feel-good movie par excellence, et par excellence j'entends bien de qualité et non, péjorativement, un truc cliché qui prétend être bienveillant en servant une soupe improbable, en France nous ne savons pas faire ce genre de film, les britishs eux par contre sont passé maîtres dans l'art de la subtilité concernant ce registre, comme il est dit un moment : heureux mais triste. La nuance est importante.
Parce qu'à l'inverse de nos comédies hexagonales puériles traitant de l'adolescence désireuses de quémander le rire le plus commun et automatique Sing Street n'élude en rien la part de tristesse liée à cette période, il ne cherche pas à tirer des grosses ficelles en matraquant des gags lourdingues mais va creuser dans l'innocence des personnages, montrer la complexité de leur milieu social, leur détresse dissimulée, et où ils vont chercher le bonheur ... ici dans la musique.
Le jeune Conor est au centre de cette histoire, par manque de moyens ses parents le rescolarise dans un collège public catholique où il est d'entrée pris en grippe par la brute de service dans la cour de récré. Un jour en sortant de son école il tombe sous le charme de Raphina, une subjuguante apprentie mannequin, il l'aborde en lui offrant un rôle dans le prochain clip vidéo de son groupe de rock, elle accepte, mais problème ce groupe n'existe pas... Ou du moins pas encore, Conor va alors recruter en express les membres de Sing Street et par extension prendre en main son destin.
L'idée principale du film est simple : la prise de risque, elle est sa base et sa finalité, à la fois par amour et par l'apprentissage d'expérimentations artistiques, le réalisateur John Carney part du principe que son long métrage se doit de préserver une candeur malicieuse, à travers les yeux de son jeune héros qui traverse le virage important de se trouver en tant que futur adulte, par étapes. Et j'ose imaginer qu'il se transpose lui-même en ce grand frère qu'incarne Brendan, le mentor, celui qui "défriche" le chemin du fils prodigue, lui prescrivant vinyls précieux et conseils avisés pour s'armer face aux obstacles, un conflit fraternel de générations, quitter père et mère et aller de l'avant. On y voit une véritable figure de bouclier, sans doute le personnage que j'ai préféré, il y a une scène symptomatique lorsque les parents s'engueulent et où il enferme son frère et sa soeur dans la bulle de sa chambre pour s'évader dans la musique, le temps d'un instant, avec les cris en fond, assez beau.
Le film navigue entre drame et comédie avec finesse, sans nécessairement prendre en otage les émotions du spectateur (ou presque, je vais y revenir), les séquences ne ressemblent en rien à des sketchs balourds (un dernier petit tacle glissé à nos comédies, ça ne mange pas de pain) et le rythme est très plaisant, mis en valeur par une excellente bande son traçant le parcours initiatique de Conor, reflétant également une période musicale 80s riche et novatrice, de Duran Duran à The Cure en passant par The Jam, avec le look et les influences sur son propre groupe. Mais ce que j'aime vraiment c'est cette façon où l'on s'attache aussi rapidement et facilement aux personnages, sans doute parce que leur introduction est réussie dans le sens où évidemment nous avons tous été ados mais également été face à sa difficulté, avec cette volonté d'évasion, de rébellion, d'éveil amoureux, de plus les acteurs sont épatants, Sing Street arrive a concentrer tout ça en faisant preuve d'une grande générosité.
Après si j'ai vraiment quelque chose à reprocher au film c'est de manquer son dernier acte, pas forcément dans ce qu'il raconte mais comment il s'emploie à le raconter, je dirais que le malaise commence lors de la séquence de répétition de concert où Conor s'imagine dans dans la scène du bal de Retour vers le Futur, où il voit son univers idéalisé, ça me rappelle la fin niaise de La La Land, même si je veux bien entendre que ce soit un parti pris comme un autre. Mais ensuite il manque cette part de tragédie qui ferait qu'on croit à l'amour fou de ce jeune garçon envers Raphina, à sa dépression, et on ne nous en donne malheureusement pas le temps, tout s'enchaine très vite (trop vite) pour arriver au bout du processus, attendu il faut dire, bien que le final soit cohérent par rapport à son idée principale (la fameuse prise de risque) ainsi qu'aux désirs et confidences de ce petit couple. Seulement j'aurais aimé être réellement ému et non ressentir cette impression que le film me force à l'être, et il faut dire que le dernier morceau n'aide pas du tout, mielleux et insupportable au possible, dommage de terminer sur une fausse note tant le reste respire la fraîcheur et la tendresse.
Globalement Sing Street est une réussite, mini fresque musicale espiègle et touchante qui explore toute l'audace d'une jeunesse en quête universelle de liberté, quitter ses attaches pour se lancer dans le grand bain de la vie. Certes loupant le coche en terme d'émotion pure et déchirante, faute sans doute à l'empressement et aux limites du registre alternatif mais je suis obligé et surtout ravi de dire que j'ai passé un excellent moment de cinéma.