Anecdotes, potins, actus, voire secrets inavouables autour de "Il se passe quelque chose" et de son tournage !

Biographie d'Anne Alix

Après des études d’Histoire, Anne Alix opte finalement pour le cinéma pour tenter d’explorer le monde et de le partager sur un mode sensible. Après quelques courts métrages de fiction, et suite à des rencontres fortes, elle passe au documentaire. Depuis son arrivée à Marseille en 2000, elle continue son travail sur des fictions alors que son travail documentaire s’oriente vers des créations partagées qui font évoluer son écriture personnelle et ancre son envie de filmer sur son territoire de vie. Elle poursuit à Marseille depuis 2009 son compagnonnage avec le Théâtre de La Cité – espace de récits communs autour des écritures du réel. En 2017, elle a participé aux ateliers IMIM (Images en miroir/Images en mémoire) de Lieux Fictifs à la prison de Villepinte.

Un malaise

Il y a quelques années, alors qu'Anne Alix filmait des groupes de parole, la réalisatrice découvrait avec un certain étonnement que le malaise qu'elle éprouvait vis à vis de la société actuelle (pour le dire vite, le monde capitaliste ultra individualiste et libéral) était largement partagé. Elle se rappelle : "Par les exclus, ce qui paraît peu étonnant, mais aussi par les inclus (la façade de bien–être se lézardait très vite dès qu’on grattait un peu). Au final, une question collective sourdait de ces rencontres : « quelle place pour l’humain aujourd’hui? ». C’était décidé, elle serait la question centrale de mon film, et Irma, une femme qui ne trouve plus sa place dans le monde, en serait le vecteur. L’idée fut très vite d’opposer ce personnage perdu à son contraire, une femme hyper–adaptée à la modernité, travaillant dans le tourisme, pointe avancée du nouveau monde, figure ultime de la colonisation du vivant. Ainsi Irma et Dolorès étaient nées."

Evolution du scénario

Anne Alix a alors écrit un scénario nourri du réel qu'elle a décidé de remanier en confrontant ses deux personnages (dont elle a conservé la trajectoire et le background) au réel. La réalisatrice explique : "Au lieu de rencontres pré–écrites, Irma et Dolorès iraient au devant des humains d’aujourd’hui. Une fois cette décision prise, nous avons circonscrit notre terrain de jeu : un tout petit territoire à l’ouest de l’étang de Berre qui nous permettait d’explorer tout à la fois un bout de Camargue (Port St–Louis du Rhône), une terre agricole (la plaine de la Crau, ses vergers, ses bergers), une énorme zone industrielle et portuaire (Fos, Port de Bouc, Martigues) et son monde ouvrier et populaire, une zone ultra aménagée (Istres, ses ronds–points et ses pavillons)...

"Sur quelques dizaines de km se tenait devant nous un petit coeur du monde. Tous yeux et toutes oreilles ouvertes, nous l’avons exploré pendant un mois (avec Luis Bértolo), ouverts aux rencontres, aux hasards, à tout ce qui pouvait aussi résonner avec les thématiques du film. De cette récolte, de nouveaux personnages sont apparus (Dora et sa «Réparation», l’équipe E.S.P.R.I qui cherche à filmer l’invisible), des personnages se sont transformés, une thématique nouvelle est apparue, celle de la migration."

Le pari des rencontres

Le pari du film est celui des rencontres. Certaines totalement documentaires, comme celle du karaoké où Anne Alix avait décidé qu’Irma parlerait publiquement de son suicide – la réaction spontanée des gens, d’une humanité immense, a surpassé de loin ses espérances. D’autres plus construites, comme celle avec Serge, qui tenait un rôle dans le film que la cinéaste lui demandait d’investir à sa manière. Alix développe :  

"Avec les non–professionnels nous n’avons pas répété, juste testé le fait d’être devant une caméra ou cherché à connaître leurs talents. Nous avons travaillé un lien d’où est né une confiance mutuelle, une confiance aussi dans ce que nous étions capables d’inventer ensemble ici et maintenant. Après le mois d’exploration, je suis partie écrire, puis revenue leur proposer des rôles, pour eux. Pendant le tournage, mes indications de texte ont été minimales, elles donnaient surtout l’enjeu de la séquence ou la thématique que je souhaitais déployer (comme dans la scène en voiture entre Jean et Irma, l’idée d’une nouvelle vie et celle de la lutte)."

Le pari de la légèreté

Pour Anne Alix, le pari du film est celui de la légèreté et de la vie : le duo des deux personnages construits sur le modèle de la comédie, un duo auguste et clown blanc, lunaire et solaire... Plutôt que d’assener un discours critique qui risquerait d’enfermer le réel, la réalisatrice a choisi le mode interrogatif et a fait le pari du surgissement. "Les choses sont montrées, notamment la multitude d’invisibles, si souvent fantasmés et si rarement vus, et c’est au spectateur de faire son chemin avec ça. Les outils de la modernité sont mis à l’épreuve du réel. Gps, téléphone portable, google trad... Qu’est–ce que rencontrer l’autre ? Est–ce que communiquer suffit ? La scène de la rencontre avec le berger donne lieu a un moment de vérité. La comédie est là, elle nous interroge dans nos pratiques et nos certitudes. A nous de jouer", confie-t-elle.

Les secrets de tournage des films les plus populaires lors des 30 derniers jours