Boyhood a été tourné sur une période de douze ans, avec la même distribution et la même équipe technique. Une expérience visant à suivre l'évolution des personnages et maintenir une certaine constance scénaristique. Les enregistrements, qui ont débuté à l'été 2002, ont pris fin courant 2013. Au début du tournage, Ellar Coltrane était âgé de six ans. A la fin, il en avait dix-huit.
La production de Boyhood s'est heurtée à de nombreuses difficultés. Vu l'ampleur du projet, il n'était pas évident de trouver des financements, des producteurs, des acteurs et des techniciens enclins à s'investir sur une aussi longue période. C'est finalement l'IFC Productions qui a accepté d'assurer la production du film, séduite par l'originalité de l'idée. Les acteurs ont vite suivi. Le fidèle Ethan Hawke était tout de suite partant, et pour Patricia Arquette, "c’était un projet original, novateur".
Pour incarner Mason Senior, Richard Linklater a une fois de plus fait appel à Ethan Hawke. Depuis leur première collaboration sur Before Sunrise en 1995, l'acteur est présent dans presque toutes les réalisations du cinéaste. On a notamment pu l'apercevoir dans Le Gang des Newton (1998), Tape (2001), Waking Life (2001), Fast Food Nation (2006) et les deux derniers volets de la trilogie Before.
Lorelei Linklater, qui joue le rôle de Samantha, n’est autre que la fille du réalisateur. Ce dernier l'avait auparavant dirigée dans Waking life. C'est la petite comédienne qui a exprimé à son père, son envie de participer au film. Il explique : "A l’époque, elle chantait et dansait tout le temps. Elle était extravertie et elle tenait absolument à être Samantha. En plus, pour moi, c’était simple, je l’avais sous la main et connaissais ses disponibilités."
Richard Linklater a pour habitude de poser ses caméras dans son Texas natal (Génération Rebelle, Waking Life... y ont été tournés), et Boyhood ne déroge pas à la tradition : c'est une fois de plus au Texas, à Austin précisement, que s'est déroulé le tournage du film.
Avant que le titre Boyhood ne soit retenu, le film avait d’abord pour intitulés The Untitled 12 Years Project et 12 Years. C’est une fois la production achevée que le réalisateur a préféré le titre « Boyhood », ne souhaitant pas qu’il y ait d'amalgames entre le film et l’oscarisé 12 Years a Slave. « Boyhood » donc, pour désigner l'enfance ou les jeunes années de Mason, le jeune héros du film.
Richard Linklater a une fois de plus confié le montage de Boyhood à Sandra Adair, son amie et collaboratrice de longue date, qui a travaillé sur presque tous ses films.
Si Boyhood n’avait pas de scénario ou de dialogues préétablis, la trame du film répondait néanmoins à un « plan de structure » précis. Chaque année, le réalisateur réunissait ses troupes pour trois ou quatre jours, durant lesquels il enregistrait de courts segments de 10 à 15 mn. Les répliques étaient rédigées au fil du temps, selon la direction que prenaient les acteurs et l’évolution des personnages. La scène de la remise de diplôme par exemple a été écrite le jour même du tournage. Le montage du film n'a été réalisé qu'une fois la dernière scène tournée. D'autre part, Linklater avait pour habitude de réunir ses comédiens deux semaines avant le début des enregistrements, afin de les préparer.
Douze années de tournage, c’est long, et il peut arriver que les acteurs s'épuisent ou se lassent. C’est ce qui est arrivé à la petite Lorelei Linklater, qui au bout de trois ans, a proposé au réalisateur de ne plus l’inclure dans le film, lui suggérant même de mettre fin aux jours de son personnage. Une direction que son père, le réalisateur, n’a pas souhaité prendre. En fin de compte, l'actrice est revenue sur ses propos, et a retrouvé les plateaux de tournage avec joie.
En tournant Boyhood sur une période de douze ans, Linklater a voulu explorer, non seulement la notion du temps, mais aussi suivre l’évolution de la culture et les différents progrès technologiques. On pourra ainsi retrouver des allusions à la saga Harry Potter dans quelques scènes (la mère qui lit le Tome 2 à ses enfants, la sortie tant attendue du Tome 6...) ou aux différents épisodes de Star Wars (les discussions entre Mason et son père). Le clou du spectacle reste la bande originale du film, composée des titres et succès musicaux qui ont résonné dans nos oreilles, entre 2002 et 2013. A ce propos, Richard Linklater explique : "D’ordinaire, je choisis des chansons qui signifient quelque chose pour moi. Mais pour Boyhood, j’ai privilégié le choix de Mason. Je voulais que la musique soit un reflet de la culture du moment. Ça a été un véritable challenge. Ce qui importait pour moi était que les morceaux choisissaient une résonance particulière et émotionnelle sur mes personnages."
Sur recommandation du réalisateur, Patricia Arquette, Lorelei Linklater et Ellar Coltrane ont dû passer du temps ensemble, afin de créer une atmosphère familiale. Au programme : soirées pyjama, création de projets artistiques... Une expérience qui leur a permis de tisser des liens.
Jonathan Sehring, le producteur exécutif du film a conservé son poste, dans la même maison de production, durant les douze années de tournage. Un exploit, lorsque l'on sait qu'à Hollywood, les métiers du cinéma sont incertains.
Ethan Hawke a composé quelques-unes des chansons qu’il interprète dans le film.
Boyhood s’inspire et de la vie du réalisateur, et de celles des comédiens. En effet, tout comme Mason, les parents de Linklater se sont séparés alors qu’il entrait en cours préparatoire. Le père du cinéaste travaillait à Houston, au Texas, comme le personnage interprété par Ethan Hawke ; et à l’instar d'Olivia, le personnage de Patricia Arquette, sa mère a obtenu son diplôme universitaire, alors qu’il était encore sur les bancs de l’école. On retrouve également de nombreuses similitudes entre le jeune Mason et le réalisateur. Tous deux partagent un goût prononcé pour les arts (Linklater écrivait déjà au lycée, et a même été primé pour son travail) et sont végétariens.
Ethan Hawke était absent des plateaux la première année de tournage, un choix délibéré du réalisateur qui voulait ainsi « accentuer l’idée d’un père qui a disparu de la vie de ses enfants et revient brusquement ». « Quand il les retrouve, il doit briser le mur de timidité et de méfiance qui s’est créé parce qu’il ne partage pas leur quotidien », poursuit-il.
Cinéaste multitâche, Richard Linklater a écrit, réalisé et produit Boyhood.
Ellar Coltrane a fortement contribué à l’écriture de son personnage. Linklater explique lui avoir confié à maintes reprises des "devoirs de maisons", lui demandant de lui rédiger des essais, portant par exemple sur ses premiers émois amoureux. Le jeune acteur et son personnage ont aussi de nombreux points communs : des parents séparés, une passion de l’art et la photographie... D’ailleurs, la fresque accrochée au mur de la chambre de Mason a été réalisée par Ellar Coltrane en personne. Il précise : "Chaque année, lorsqu’on se retrouvait, Richard me demandait où j’en étais et il adaptait le personnage selon ma propre progression. Ma vie et celle de Mason se confondaient, je me suis investi avec bonheur dans la création du personnage. (...) Grâce au film, j’ai compris beaucoup de choses, surtout sur la relation avec ma mère, qui, comme celle de Mason, est assez complexe". Pour Linklater, le jeune acteur était son « collaborateur artistique » sur le film.
Boyhood regorge de références à Génération Rebelle (l’un des premiers films de Linklater, aujourd’hui culte). Le gérant du magasin de liqueur dans le film, par exemple, est le même que celui qu’on aperçoit dans Génération Rebelle. Dans les deux longs métrages, le personnage est interprété par David Blackwell. C’est aussi le cas de la Pontiac GTO appartenant à Mason Sr (Ethan Hawke), dont on retrouve un modèle identique dans Génération Rebelle. A noter que la GTO de Boyhood, est en réalité celle de Linklater lui-même.
Ellar Coltrane a dû demander au réalisateur son autorisation avant opérer des changements sur son apparence et à chaque reprise, le réalisateur n’a pas émis d’objection. Il y a cependant eu quelques tensions entre l’acteur et l’un des producteurs, au sujet de la longueur des cheveux du personnage, car visiblement, le comédien ne souhaitait pas afficher de coiffure imposante. Ce qu’il fit en fin de compte.
Afin de maintenir une régularité dans la réalisation, notamment au niveau des images, Linklater a privilégié le format 35 mm, qu'il a utilisé pendant toutes les années de tournage : "Je voulais conserver une certaine unité, même si les personnages et les époques changent au fur et à mesure des années", affirme-t-il. Mais ledit format étant en voie de disparation avec l'avancée du numérique, il était de plus en plus difficile d'entretenir le rythme et la qualité des enregistrements. Le réalisateur est tout de même parvenu "à conserver cohérence et homogénéité".
C’est bien connu, Linklater soigne ses bandes originales, et celle de Boyhood ne fait pas exception. Coldplay, Britney Spears, tout le monde y passe. Les droits d’auteurs étant plus accessibles, le réalisateur n’a déboursé qu’un sixième de la somme ayant servi à acquérir les droits musicaux pour la bande son de Génération Rebelle. Cependant, on ne pourra pas entendre le tube Get Lucky des Daft Punk, que les festivaliers de Sundance ont pu reconnaître lors de l’avant-premiere: les chanteurs masqués n’ont pas autorisé l'utilisation du titre dans la version finale.
Boyhood a remporté l’Ours d’argent du Meilleur réalisateur à la Berlinale de 2014. Il a également été présenté au festival du film de Sundance la même année.