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Fritz L
184 abonnés
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4,5
Publiée le 1 novembre 2014
C’est une thématique très complexe qu’a choisie Christophe Cognet pour son 1er long métrage documentaire. Peut-on évoquer la notion d’art, et donc de fait d’esthétique, par rapport aux œuvres clandestines réalisées par quelques artistes amateurs ou professionnels dans les camps de la mort ? Sujet polémique, auquel il est difficile d’apporter une réponse franche. D’ailleurs le réalisateur se garde bien de le faire, il préfère donner des pistes de réflexion au spectateur qui, tout au long du film, entre témoignages et œuvres dévoilées, se trouve en contant éveil. Un artiste, quelque soit sa sensibilité, est le reflet d’une époque, un témoin subjectif qui ouvre une focale sur un instant, une scène, ou un morceau d’histoire. Figuratif ou abstrait, il prend position et transmet son émotion. Yehuda Bacon, José Fosty, Joseph Richter, Léon Delabre, Franciszek Jazviewski, Dino Willenberg entre autre (les artistes mise en valeur sont nombreux) sont ces témoins précieux et uniques de « l’art rescapé ». A un moment ou un autre, ils ont éprouvé la nécessité de reproduire l’horreur, de décrire « ce paysage de mort », ces êtres vivants dans leurs derniers instants ou ceux déjà partis. Il n’y a eu quasiment aucune photographie de l’activité macabre dans les camps. Ces artistes nous imposent, avec de crayons de fortune et des papiers de récupération, une vision artistique authentique mais surtout indispensable (car unique) de l’horreur. A-t-on reproché à Goya d’avoir peint son « Treis de Mayo » ou à Delacroix son « Massacre de Scio » ? Ces femmes et ces hommes ont eux aussi dépassé les frontières de l’art pour interpeler le public et marquer à jamais les mémoires. Ce documentaire est terriblement éprouvant. Les œuvres viennent s’inscrire dans le fil de la narration et de la réflexion qui en découle. Notamment, celle de ce jeune dessinateur qui a assisté au départ de sont père pour la chambre à gaz et qu’il représente, le visage calqué aux volutes qui sortent da la cheminée. L’œuvre dépasse le témoignage personnel et devient un message universel. L’art n’a ni l’apanage de la beauté ou de la laideur, il contribue à sensibiliser l’âme de chacun, la réflexion et provoque comme c’est le cas ici un sentiment de révolte contre l’ignominie et l’obscurantisme. C’est là, le message de ce documentaire épuré habilement construit.
Ce documentaire nous propose une rencontre très émouvante avec des survivants des camps de la mort qui, comme ils avaient l’habitude de dessiner, ont représenté à la hâte, en cachette et sur des bouts de papiers improbables ce dont ils étaient témoins avec pour certains le désir de laisser une trace. Le film est très respectueux, ne joue pas sur l’émotion superficielle mais nous atteint au plus profond. Il pose la question de la beauté dans l’expression artistique de l’horreur. L’art transcende tout et probablement que pour ceux qui ont dessiné ainsi c’était aussi une manière de mettre une distance vis à vis des monstruosités dont ils étaient témoin.