L'Outsider, en plus d'être tiré de l'histoire vraie de Jérôme Kerviel, trader condamné pour fait perdre des milliards d'Euros à la Société Générale, est une adaptation du livre écrit par Kerviel lui-même, L'Engrenage : mémoires d'un trader, publié en 2010. Le titre de travail du film était auparavant L'esprit d'équipe.
Au départ, Christophe Barratier ne s'intéressait pas du tout au monde de la finance. Le sujet Kerviel lui a été suggéré par son ami producteur Jérôme Corcos. L'homme lui a ensuite présenté Jérôme Kerviel, qui a longuement raconté son histoire au cinéaste : "Sans rien connaître à la finance, j’entrais dans ce monde de la meilleure façon qui soit : non pas pour enfoncer des portes ouvertes sur le mode : « La finance c’est sale, elle est devenue folle et elle pervertit le monde », mais pour répondre à la question : Comment se sont mis en place les éléments qui ont conduit au drame ? J’ai immédiatement perçu le côté thriller", analyse le metteur en scène. Barratier a ensuite fait appel à son oncle Jacques Perrin, qui est également son producteur attitré : "Jacques aime ce genre de projets à risque. Quand il est convaincu, les difficultés le galvanisent", confie le réalisateur.
Si Christophe Barratier a mis du temps entre son dernier film, La Nouvelle guerre des boutons (2011) et L'Outsider, c'est que le travail de documentation et d'écriture a été très fastidieux, long et difficile : "J’ai lu de façon exhaustive tout ce que je pouvais trouver sur l’affaire y compris les ouvrages plutôt à charge contre Jérôme Kerviel, comme ceux d’Hugues Le Bret ou Pierre-Antoine Delhommais. Puis, j’ai retracé la chronologie du parcours de Kerviel de sa naissance jusqu’au temps présent. C’est là que j’ai cadré la temporalité du script : il commencerait de l’entrée à la SG en 2000 pour se terminer le jour de l’éclatement de l’affaire."(...) On pensait que ce serait difficile mais pas à ce point. Après une année consacré à l’écriture de la V1 du script, nous en avons passé trois durant lesquelles nous avons rencontré tant d’obstacles qu’on aurait dû se décourager. Mais notre foi était inébranlable., explique le cinéaste.
Selon Le Point, qui a réussi à se procurer le contrat de Jérôme Kerviel pour L'Outsider, l'ancien trader a perçu 40.000 euros de la société de production Galatée Films pour céder les droits de son livre L'Engrenage : mémoires d'un trader. Toujours selon le journal, "il touchera aussi 0,15 % sur chaque ticket d'entrée et a obtenu que les producteurs lui reversent jusqu'à 2 % des recettes nettes dès qu'ils seront rentrés dans leurs frais. L'ex-trader a également posé ses conditions : en annexe du contrat figurent six sujets « qui ne devront pas être abordés, sauf accord écrit ». Par exemple, la prise de drogue, son ex-copine ou « les relations sexuelles dans lesquelles M. Jérôme Kerviel serait impliqué »..."
Si L'Outsider peut être comparé au Loup de Wall Street pour son tableau du monde de la finance fait d'excès en tous genres, les traders du film de Martin Scorsese sont différents des traders français, notamment en ce qui concerne Kerviel : "En France, et surtout avec un personnage comme Jérôme Kerviel, on est sans doute pas plus vertueux [que dans Le Loup de Wall Street] mais beaucoup moins dans le bling-bling. Quand j’ai demandé à Kerviel s’il prenait de la coke ? « Moi, non ». S’il sortait en boîte ? « Seulement le jeudi soir ! » ; les belles fringues ? « Pas plus que ça » ; l’appartement ? « Je louais un petit deux pièces à Neuilly », les belles bagnoles ? « Je n’ai pas de voiture, je prenais le métro ! »", relate Christophe Barratier.
Christophe Barratier n'a pas pu compter sur le concours des supérieurs et anciens collègues de travail de Kerviel, qui ne souhaitent pas revenir sur cette affaire : "Quand j’ai appelé les collègues de Jérôme Kerviel et quelques-uns de ses supérieurs pour qu’ils me parlent de lui, de sa personnalité, aucun ne m’a répondu. Je veux bien qu’ils aient décidé de passer à autre chose, mais ce silence total… Même si j’avais voulu faire une enquête à charge, ils ne m’auraient pas répondu", raconte le cinéaste.
Christophe Barratier assure que Jérôme Kerviel n'a pas participé au scénario du film. Le cinéaste restait libre de "fictionner" la vie du trader sans dénaturer la personnalité de ce dernier : "Je l’ai consulté pour tout ce qui est de la technique, le vocabulaire et l’atmosphère d’une salle de trading. Les équipes de trading s’occupent de produits très différents les uns des autres. Kerviel traitait des produits très spécifiques sur les indices boursiers. Je n’aurai pas pu inventer tout seul « Qui a traité des RWE en after market ? » ou « Tu peux déshisto-réhisto ma valo ? Je suis pas hedgé »", explique le réalisateur.
François-Xavier Demaison, qui incarne Keller, le mentor de Kerviel, dans L'outsider, a déjà exercé le métier de trader entre 1998 et 2001 avant de se reconvertir pour devenir humoriste puis comédien : "Il y a longtemps que nous avions envie de travailler ensemble et bien que je ne lui proposais pas un « premier rôle », il a vu que le personnage de Keller tiendrait une place de premier choix. Sachant qu’il l’incarnerait, j’ai cherché mille façons de l’enrichir", déclare Christophe Barratier.
C'est le jeune comédien Arthur Dupont, 30 ans, qui se glisse dans la peau du trader Jérôme Kerviel : "J’ai fait des essais. Beaucoup de comédiens avaient tendance à rendre le personnage sombre dès le début, ce qui semblait déjà indiquer « Attention, avec lui il va y avoir un problème ». Arthur, au contraire, avec son allure très juvénile, dégageait une innocence totale. Le glissement progressif du personnage serait donc plus éloquent. Quand j’ai vu jouer les scènes où personnage perd le sens des réalités, il m’a bluffé. Sur le tournage, je ne lui disais quasiment plus rien sur le jeu. Avec lui, pas besoin d’effets spéciaux de maquillage ni d’explications de texte superflues", indique Christophe Barratier.
Le comédien Ambroise Michel, connu pour prêter ses traits au personnage de Rudy dans la série populaire Plus belle la vie, fait ses premiers au cinéma dans L'Outsider dans la peau de Tiago.