En prenant frontalement comme titre "Tuer un homme" pour son 3ème long métrage, que va chercher à démontrer le réalisateur chilien Alejandro Fernandez Almendras ? Ce réalisateur dont le premier long métrage, "Huacho", avait fait sensation à la Semaine de la Critique de Cannes 2009 par la rigueur de sa mise en scène et sa façon de filmer de façon intime le quotidien de « petits » paysans chiliens, on est près à parier qu’en filmant cette histoire adaptée d’un fait réel, il ne va pas nous faire du Charles Bronson. Et pourtant, si on lit ce que Wikipedia dit de "Un justicier dans la ville", un des plus gros succès de ce dernier, on a pratiquement le résumé de "Tuer un homme" : un film sur l’insuffisance de la justice et le recours à la violence pour arrêter la violence. En effet, le film d‘Alejandro Fernandez Almendras raconte l’histoire de Jorge, un homme honnête et travailleur, poussé à bout par Kalule, délinquant de son quartier, géant par la taille, pois chiche par le cerveau, qui l’agresse sans raison, qui agresse son fils, qui violente sa fille. Dans l’esprit de Jorge, il n’y a pas de sentiment de vengeance, mais sa famille doit être protégée. Alors que son ex-femme n’arrête pas de « péter les plombs » face à la tournure que prennent les événements, Jorge s’efforce de rester calme. Que doit-il faire ? L’aide de la police et de la justice ? Dans le Chili du néo-libéral Sebastián Piñera, dont on voit la photo dans les bâtiments de l’administration, il ne vaut mieux pas compter sur elles. Jorge est-il capable d’une action solitaire permettant de mettre sa famille à l’abri ? Est-il capable, après, d’assumer cette action ? C’est tout cela que nous montre avec beaucoup de talent un réalisateur dont on va dorénavant attendre avec impatience les prochains films. La sobriété dont il fait preuve dans la mise en scène et sa façon de peindre le comportement d’un homme ordinaire face à l’enfer qu’un individu lui fait vivre montrent combien il est dangereux de se fier au court synopsis d’un film pour « renifler » à l’avance l’atmosphère qu’on va y trouver : "Tuer un homme" peut se résumer dans les mêmes termes que "Un justicier dans la ville" et, pourtant, les deux films sont à l’opposé l’un de l’autre ! Récompensé, entre autres distinctions, par le Grand Prix du meilleur film étranger au Festival de Sundance 2014, "Tuer un homme" confirme la grande qualité du cinéma sud-américain, surtout lorsqu’il s’agit de traiter des faits de société de façon honnête et passionnante.