Bienvenue à Marwen s'inspire du documentaire Marwencol réalisé par Jeff Malmberg en 2010. Les deux oeuvres se basent sur la vie de Mark Hogancamp. Ce dernier s’est fait tabasser, dans un bar de Kingston, NY, en 2000. Dès son réveil du coma, il construit avec obsession une ville du temps de la Deuxième guerre mondiale. Il peuple son lieu imaginaire avec des poupées représentant sa famille et ses amis et explique, à l'aide de mini drames, leurs relations variées. Ce jeu et les photographies qu'il prend aident Mark à améliorer la coordination de ses mains et de ses yeux, endommagés depuis l'accident, et de gérer les blessures psychologiques provoquées par l'attaque. Cette auto-thérapie confère à Mark une force physique et mentale ainsi que de l'endurance pour son long voyage éprouvant vers la réalité.
Mark Hogancamp s’est fait sauvagement agresser par cinq hommes aux abords d’un bar en avril 2000 parce qu’il avait raconté à l’un d’eux durant la soirée qu’il aimait porter des chaussures de femmes. Depuis qu’il s’est remis de ses blessures, Mark s’exprime plus librement en ce qui concerne son expression de genre qui fait partie intégrante de sa personnalité et de la façon dont il est représenté dans le film. Parce que lui-même a choisi de ne pas poser de mots sur cette part de son identité de genre, les créateurs du film ont respecté ce choix. Leur opinion est que Hogancamp est exactement qui il est, et n’a ni besoin ni le souhait d’être défi ni par les autres. Toujours est-il que l’agression qui lui a presque coûté la vie était motivée par la haine envers les individus qui ne se conforment pas à une expression de genre binaire et normative. "C’est sans équivoque possible un crime motivé par la haine", déclare le producteur Jack Rapke. "Et nous nous y opposons farouchement. Ce n’est pas le sujet principal du film, mais si les spectateurs sont à même de prendre conscience des conséquences tragiques de telles agressions, nous n’en serons que plus fiers. Mark a survécu, mais beaucoup d’autres ont payé le prix fort à cause de l’ignorance et de la haine de certains ."
C'est le premier film que Robert Zemeckis réalise pour le studio Universal depuis La mort vous va si bien en 1992.
Robert Zemeckis souhaitait depuis longtemps adapter à l'écran le parcours de Mark Hogancamp ; il considère son combat comme essentiel pour démontrer que l'imagination artistique peut rétablir l'esprit humain. En 2013, Leonardo DiCaprio est pressenti pour incarner Mark avant que le rôle ne soit finalement offert à Steve Carell en 2017.
Robert Zemeckis découvre l’histoire de Mark Hogancamp en 2010 quand il tombe sur la diffusion du documentaire MARWENCOL sur PBS. Il est immédiatement fasciné. Le film n’est pas encore terminé qu’il y voit déjà le matériel pour un long-métrage de fiction. Il appelle Donna Langley, la présidente d’Universal Pictures, dès le lendemain, lui demandant d’acquérir les droits d’adaptation de l’histoire. Pour Zemeckis, il va s’agir de faire entrer les spectateurs dans l’univers de Mark Hogancamp, de donner vie à ses personnages et de voir le village et les différents récits qui s’y entrecroisent à travers les yeux de Mark. "En voyant le documentaire, j’ai remarqué que Mark racontait en détail ce qui se déroulait autour de chaque photographie. C’est ce qui m’a inspiré. Dans le film, on peut assembler ces histoires sans qu’elles aient à être narrées par l’artiste. On peut les voir se dérouler sous nos yeux et montrer ce qui se passe entre les figurines du point de vue de Mark. On peut leur donner vie. Je pressentais la force, la portée et l’originalité d’un tel film", raconte Robert Zemeckis.
Robert Zemeckis n’était pas le seul à penser que cette histoire de résurrection par l’art ferait un passionnant film de fiction. Steve Carell avait lui aussi vu le documentaire qui l’avait ému et motivé à agir. "J’ai commencé à me renseigner sur l’obtention des droits et j’ai découvert que Bob Zemeckis les détenait et qu’il avait déjà écrit un scénario. Je l’ai alors contacté. C’est la première fois que je me jette comme ça dans l’arène, mais cette histoire me parlait et je voulais en être, d’une façon ou d’une autre, comme acteur, producteur ou scénariste, peu importait", se souvient Steve Carell. Les deux hommes tombèrent vite d’accord : Steve Carell interpréterait le double personnage de Mark Hogancamp et son alter ego héroïque, le capitaine Hogie. "Steve n’est pas qu’un formidable acteur de comédie, c’est un grand acteur dramatique", déclare le réalisateur. "Il est capable d’incarner avec brio les deux Mark. Je savais qu’il serait un merveilleux Hogie, le fier-à-bras, et saurait aussi rendre justice à la faille et à la complexité émotionnelle de Mark".
Autant d’un point de vue narratif que technique, les poupées de Marwen ont été traitées par l’ensemble de l’équipe comme des personnages à part entière, avec des dialogues, des costumes et des accessoires propres. La création des fi gurines a débuté plusieurs mois avant le début du tournage. Conçues par le superviseur des miniatures Dave Asling, qui a notamment contribué aux effets spéciaux d’X-MEN : L’AFFRONTEMENT FINAL, les poupées ont été fabriquées à partir du visage et du corps numérisés des acteurs. Le perfectionnement du design de leurs visages est signé Bill Corso, dont on a déjà pu voir le travail dans LES DÉSASTREUSES AVENTURES DES ORPHELINS BAUDELAIRE et FOXCATCHER, et qui a utilisé une nouvelle technique de maquillage numérique. Kevin Baillie, le superviseur des effets visuels, et son équipe les ont alors fabriquées en 3D, grâce à des impressions 3D, et peintes. Les poupées ont alors été à nouveau numérisées avec des coiffures spécialement créées par la styliste et coiffeuse Anne Morgan. La forme initiale des poupées, comme leur long cou et leurs traits poupins, a été spécialement respectée. Leurs têtes ont été posées sur des corps aux articulations limitées, les rendant volontairement raides dans leurs poses et leurs mouvements, comme c’est le cas des poupées à l’échelle 1/6 datant de 2006, l’époque à laquelle Mark Hogancamp en a peuplé son village fictif.
Une des questions de base qui se posait avait trait à la façon de rendre compte de la double réalité de Mark Hogancamp. "Quand Bob Zemeckis m’a parlé du projet pour la première fois, on n’avait pas la moindre idée de comment on allait s’y prendre", raconte Kevin Baillie, le superviseur des effets visuels. "On a d’abord pensé qu’on allait construire un village sur un immense plateau et habiller les acteurs, puisqu’ils seraient traités en post-production pour les faire ressembler à des poupées, en leur ajoutant des articulations et en les adaptant aux mensurations de G.I. Joe ou de Barbie". Des premiers essais ont démontré que ça fonctionnerait mal : non seulement ça coûterait très cher, mais ce serait laborieux à tourner. Plus ils y réfléchissaient, plus il s’imposait à eux qu’il fallait avoir recours à la capture de mouvement et de jeu (qui inclut des mouvements plus subtils, comme les expressions faciales, les mouvements des mains, etc.). Elle permettrait d’offrir aux cinéastes des interprétations optimums et aux designers de créer les corps des poupées comme ils le souhaitaient.
Pour Robert Zemeckis, il était primordial de pouvoir saisir les expressions faciales des acteurs et de les fondre avec leurs doubles numériques. Ainsi seulement, pouvait-il espérer une évocation convainquante des humains à travers leurs avatars. Durant l’étape de capture de mouvement, l’équipe du cinéaste a filmé les acteurs afin de pouvoir se rendre compte de ce à quoi ils pourraient ressembler en miniatures. "Les caméras numériques pouvaient ainsi lire le visage des acteurs et transposer les images sur les visages tridimensionnels des poupées", explique le réalisateur. "Ça nous a permis de faire en sorte que les visages des poupées bougent exactement comme ceux des acteurs". La caméra 6K s’est avérée être la meilleure amie de ce tournage. "Nous avons éclairé le plateau de capture de mouvement, ce que personne ne fait d’habitude, et nous avons utilisé tous les mouvements des acteurs, bouches et yeux inclus », raconte le superviseur des effets visuels. « On est au sommet de ce que permet cette technique, avec des poupées magnifiquement stylisées sans perdre une once du jeu des acteurs."
Le travail de C. Kim Miles, le directeur de la photographie, n’est que le pendant des efforts monumentaux déployés par l’équipe de Kevin Baillie. "La moitié du film est en prise de vue réelle, pour laquelle on utilise des décors existants ou construits, et on tourne avec des caméras imposantes", explique encore le spécialiste des effets visuels. "Le capteur de l’Alexa 65s a la même taille que ce qui a pu être utilisé à l’époque pour tourner LAWRENCE D’ARABIE (David Lean, 1962). Il offre une très belle profondeur de champ dont Kim et son équipe ont su tirer le meilleur effet. L’autre moitié, celle illustrant le monde imaginaire de Mark Hogancamp, a été tournée devant un écran vert avec une soixantaine de caméras infrarouges". Et c’est là que la magie prend forme. "Les caméras infrarouges détectent les marqueurs positionnés sur le corps de l’acteur. Ils lui communiquent ses mouvements au millimètre près. On peut ainsi saisir le jeu de l’acteur dans ses moindres détails."
La costumière citée aux Oscars, Joanna Johnston, qui signe les costumes des films de Robert Zemeckis depuis 30 ans, a elle aussi été bouleversée par l’histoire de Mark Hogancamp en regardant le documentaire diffusé sur PBS. "Plus le film avançait, plus je prenais conscience du caractère extraordinaire de cet homme", raconte-t-elle. "C’est inimaginable. Ça dépasse toute fiction". Pour elle, la première gageure était d’aborder le design des costumes à l’envers : il fallait d’abord créer la garde-robe des poupées pour permettre aux techniciens en image de synthèse de commencer leur travail. Et bien que les poupées ne mesurent que 30 cm, la costumière avait conscience de l’importance de chaque détail, sachant que les costumes seraient vus sur un écran de cinéma et qu’ils aideraient à l’impact des personnages peuplant Marwen sur les spectateurs. Avant d’avoir les poupées, qui étaient en cours de fabrication, à sa disposition, Joanna Johnston se mit au travail dans un petit atelier de Londres, en collaboration avec la spécialiste des prothèses Janet Burns, afin de créer et réunir tous les articles miniatures dont les poupées auraient besoin.
La première collaboration du chef décorateur Stefan Dechant avec Robert Zemeckis remonte à FORREST GUMP (1994), sur le tournage duquel il assurait les fonctions d’illustrateur. Ils ont depuis renouvelé l’expérience à plusieurs reprises. "Bob aime que sa caméra soit mobile, il l’utilise comme un pinceau", commente Stefan Dechant. "Je savais que chaque décor devait permettre à sa caméra de bouger le plus librement possible". Pour créer les décors de BIENVENUE À MARWEN, le chef décorateur se pencha d’abord sur la vie de Mark Hogancamp. Il ne s’agissait pas de l’imiter, mais de créer une version filmique du personnage qu’avait imaginé le réalisateur. Il était important pour toute l’équipe des décors d’être fidèle au travail de Mark et de ne pas faire de Marwen une caricature. Chaque décision répondait à une question : Saluons-nous le travail de cet artiste ? "On voulait être fidèle au cadre dans lequel Mark évolue et déterminer dans quelle mesure son environnement influe sur son processus créatif", explique Stefan Dechant. "L’intérieur de son mobile home n’est que nicotine et caféine, c’est à ça qu’il tourne. Il ne vit que pour Marwen et il est entouré de pièces et de projets inachevés, comme cette maquette d’avion accrochée au mur ou ces couvertures de pulps des années 50 illustrés de symboles nazis."
Quand on passe du mobile home au village de Marwen, la palette chromatique change. On laisse les tons sépia pour des couleurs vives. Le vrai Marwencol est un alignement de 8 à 10 bâtiments, mais sa version filmique ressemble à un plateau de tournage en extérieur. Stefan Dechant, chef-décorateur, explique : "On voulait créer notre propre univers à une échelle que se trouvait être 1/6, mais on ne voulait pas en devenir esclave. On ne voulait pas forcément de fenêtres conformes à la réalité ou de portes aux proportions exactes. Au début, on s’inquiétait de savoir à quoi ressembleraient les intérieurs. On a commencé avec l’église qui s’est avérée être beaucoup trop grande. On l’avait entièrement construite à l’échelle 1/6 et on s’est rendu compte qu’on devait juste construire une église appropriée et fonctionnelle pour les poupées." Mark Hogancamp a conçu ses décors avec des photos uniques en tête, mais ceux du film devaient s’adapter aux besoins du cinéma. "Le Ruined Stocking devait être suffisamment grand pour que toutes les filles puissent y danser, mais pas trop grand pour ne pas prendre toute la place chez Mark. C’était le genre de problèmes auxquels on était confrontés, tenant aussi au simple fait qu’on faisait un film et Mark, des photos."
Le tournage de 9 semaines, à Vancouver et dans les villes avoisinantes, débuta le 11 août 2017 à l’ancien hôpital psychiatrique de Riverview, construit en 1913 et fermé en grande partie en 2012. Souvent utilisé pour des tournages, il fi gure le centre de rééducation dans lequel Mark Hogancamp rencontre Julie qui le soutient dans son réapprentissage de la marche. L’équipe se rendit ensuite à McTavish Road, dans la zone rurale d’Abbotsford, qui s’apparente à la région où vit Mark, au nord de l’État de New York. D’un côté de la route, les décors extérieurs du mobile home de Mark et les façades de Marwen furent construits, et de l’autre côté de la route, l’armature de la maison où Nicol débute une nouvelle vie, loin de Kurt, son ex possessif. La maison jaune de Nicol fut disposée de manière à ce que Mark puisse voir la porte d’entrée depuis sa fenêtre. Sur 3 jours, l’emménagement de Nicol, les visites non sollicitées de Kurt et les premières rencontres entre Mark et Nicol furent alors tournés, ainsi que certaines scènes dans lesquelles Mark photographie les poupées et les bâtiments de Marwen.
Pendant que les équipes de construction et de décoration continuèrent la préparation des décors suivants, acteurs et équipe de tournage entamèrent 12 jours en studio, à Burnaby. Les habitations de Mark Hogancamp et Nicol furent à nouveau recréées, mais avec leurs intérieurs cette fois, et entourées de fonds et de tentures bleus pour permettre à l’équipe des effets visuels de les combiner avec le cadre extérieur en post-production. C’est également au studio que furent tournées les scènes les plus élaborées entre Mark, ses poupées et le village de Marwen. L’étape suivante les conduisit à Dewdney Truck Road, dans la ville de Maple Ridge, où un immeuble vide fut transformé en Avalanche Roadhouse, le bar de Larry dans lequel Mark travaille à mi-temps avec Carlala, en cuisine. C’est également là qu’a eu lieu l’agression violente de Mark par 5 hommes qui l’ont laissé pour mort au milieu de la chaussée. Trois jours plus tard, l’équipe se rendait dans la ville pittoresque de Fort Langley, où un magasin d’antiquités fut transformé en magasin de loisirs créatifs dans lequel Mark passe régulièrement fouiner, à la recherche de fournitures et de nouvelles poupées et figurines pour son installation. Son amie Roberta, qui l’encourage dans ses efforts et le soutient dans les moments difficiles, y travaille.
La galerie de Pillar à New York, qui organise l’exposition des photos de Mark Hogancamp, a été recréée dans un immeuble de Railway Street, en périphérie de Vancouver. Plus d’une douzaine d’agrandissements 1,5 x 2,4 m, mêlant les clichés de Mark Hogancamp et ceux pris par l’équipe photo du film, y sont exposés. À cause des éclairages et des mouvements de caméra élaborés requis pour tourner l’émouvante séquence du tribunal, dans laquelle Mark trouve le courage de témoigner contre ses agresseurs, et qui mobilise acteurs et poupées, celle-ci a été tournée en studio. Le tournage terminé, l’équipe a investi le plateau dédié à la capture de mouvement, à Burnaby, et s’est dédié pendant 14 jours à jumeler la magie de cette technologie aux brillantes interprétations des acteurs afi n de donner vie aux poupées de Marwen.