Quel chemin de croix............ pour arriver à voir Chemin de croix, trois petits tours et puis s'en vont, une semaine de sortie, tel est le triste sort des films pas formatés.
Rien pour plaire: ni son sujet, la religion, le fanatisme religieux, la sainteté. Ca, c'est pas du Dany Boon pour sûr. Ni son format: une succession de quatorze plans fixes.... non, pour le dernier plan, la camera entame un lent travelling, passant de la tombe de la petite Maria au ciel immense des plaines allemandes.
Bon, ben vous avez manqué quelque chose car il s'agit d'un beau film, prenant, intriguant, dérangeant. Certes, l'avoir enfermé dans le parallèle du chemin de croix d'une toute jeune fille avec quatorze stations du chemin de croix du Christ sent un peu trop son Dogme; ce n'est pas toujours très convaincant. En tous cas, ça a convaincu le jury du Festival de Berlin qui lui a accordé son Ours d'Argent. Et je pense que Haneke a du l'aimer....
Dietrich Brüggemann a eu envie de raconter le fanatisme catholique parce qu'il l'a vu de très près, avec sa sœur Anna. Merci mon Dieu..... ils s'en sont sortis en bon état. Pas du tout dérangés comme Maria, mais comme des athées tranquilles, même pas vraiment anticléricaux!
C'est intéressant de parler du fanatisme chrétien, parce qu'on parle beaucoup, et à juste titre, du fanatisme islamique. Comment, alors, passer sous silence que dans plusieurs Etats américains, on n'enseigne par l'évolution, parce que la majorité des électeurs pense que c'est Dieu qui a créé le monde en sept jours avec sa p'tite baguette magique? Le fanatisme est tapi dans toutes es religions comme le ver dans le fruit. Du moins, dans toutes les religions monothéistes. A mon sens, il est plus difficile de virer à l'extrême dans l'animisme, où tout est pluriel. Quand un dieu à mine sinistre vous invite à l'ascétisme, voila que le dieu du vin arrive rigolard, allez, vient te murger mon frère!
Le chemin de croix, c'est donc celui de Maria, ado de quatorze ans au cœur pur et à l'âme exigeante. La première scène est presque innocente: un jeune prêtre, le père Weber (Florian Stetter), plutôt avenant, prépare une poignée d'enfants à leur confirmation. Tout semble normal..... jusqu'à ce que cela dérape: les enfants doivent se considérer comme des soldats du Christ, prêt à donner leur vie, comme ceux des Christeros! Pour cela il faut se battre constamment contre les tentations, en premier lieu, la musique satanique. Ah, on se doute bien que pour ceux là, la surboum du samedi soir ça n'existe pas..... Maria (la douce Lea van Acken) est la plus attentive, la plus concernée.
C'est l'ainée d'une famille de quatre enfants dont le dernier, qu'elle adore, a des problèmes. A quatre ans, il ne dit pas un mot. Sans doute souffre t-il d'une forme d'autisme. Pour qu'il devienne un petit garçon comme les autres, Maria est prête à donner sa vie.
Dans la famille, le père est totalement absent. On ne l'entendra pas dire un seul mot..... La famille est dominée par la mère (Franziska Weisz), une fanatique d'anthologie, un personnage terrifiant, une obsédée du péché. Satan est rentré dans l'Eglise avec Vatican II; les catholiques vaticanistes sont à rejeter, tout aussi bien que les protestants. La tentation rode partout. Garçons et filles doivent s'éviter, car les pensées lubriques peuvent vite arriver.
Maria s'est fait un ami, un catholique de l'autre troisième qu'elle croise en bibliothèque, qui l'invite à rejoindre sa chorale. Mais dans cette chorale, à côté des chorals de Bach, on travaille aussi des gospels (voire de la soul!!) qui appartiennent manifestement aux musiques sataniques..... Maria croit tout ce que dit sa mère, tout ce que dit le père Weber, elle vit dans la hantise du péché, elle doit absolument fuir ce gentil garçon qui la détourne de sa recherche obsessionnelle de sainteté. Tout cela est d'une vérité et d'un réalisme absolus. On n'a jamais décrit avec tant de justesse et de finesse le cheminement de certains ados épris d'idéal.
Un film intelligentissime qui mériterait qu'on s'y arrête.