Le tout premier film de Sylvie Ohayon, tirée de son roman autobiographique, est un premier film somme toute réussi. Même s’il a des petits défauts sur lesquels on reviendra, il respire la sincérité, et pour cause puisque Sylvie Ohayon raconte elle-même sa jeunesse à la Courneuve. En tout premier lieu, elle a soigné sa distribution en choisissant avec soin la jeune et ravissante Doria Achour pour l’incarner. Bien mieux que les autres jeunes acteurs qui l’accompagnent (et qui ne sont pas toujours très justes), elle fait passer avec simplicité toute la palette des émotions. A ses côtés, Marc Lavoine incarne un beauf très con (presque un peu trop, çà fait caricatural !) dans un rôle, je n’en doute pas, de composition. Dans une trop courte scène à la campagne chez ses parents, son personnage prend de l’épaisseur et de la complexité mais l’essai n’est pas transformé, dommage… Aure Atika donne vie à une mère absente, évaporée, limite hystéro, et souvent exaspérante, mais c’est sans doute voulu. Les jeunes acteurs font de leur mieux, à l’image de sa copine Fatima incarnée par Soumaye Bocoum, mais Sylvie Ohayon leur donne à jouer des rôles qui auraient mérités un peu plus de nuance tant parfois on frise le too much et la caricature. « Papa was not a Rolling Stone » se veut une comédie, mais en fait cette comédie traite souvent de thèmes lourds comme la violence familiale, la misère affective, la délinquance. Elle cherche à le faire avec des personnages un peu outranciers et des paroles « fleuries », ce qui est un parti pris qui se défend mais auquel tout le monde n’adhèrera pas. La réalisation de Sylvie Ohayon est intéressante, plutôt réussie pour un premier film. La reconstitution de la Courneuve des années 80 en revanche me pose question : les vêtements, la déco, tout ressemble à ce qu’on trouve aujourd’hui, à quelques exceptions près (les voitures, quand même !). Quant à la musique, elle sonne très 80’s, forcément, et çà me parle, forcément… Stéphanie est fan de Jean-Jacques Goldman et de sa chanson « Envole-moi » (chanson qui parlait de la crise des banlieues 20 ans avant le tout premier texte de rap sur la question !) et un film qui case 3 chansons de JJG dans sa BO a d’emblée ma sympathie ! D’ailleurs, il semble que Jean-Jacques Goldman aie fait un petit cadeau a Sylvie Ohayon, une très belle version inédite acoustique de « Envole-moi ». Mais ce qui attire l’attention aussi dans ce film, c’est la tendresse avec laquelle la cité des 4000 est dépeinte. Sans édulcorer les problèmes (dégradation, délinquance, trafic d’objets « tombés du camion »), Sylvie Ahayon décrit une cité où toutes les nationalités se mélangeaient avec une certaine fraternité, une cité dans laquelle les juifs et les arabes sortaient ensemble au lieu de se foutre sur la gueule, une cité où l’entraide n’était pas un vain mot, où l’insécurité n’était pas paralysante… Bref, elle dépeint une banlieue très éloignée de ce qu’en montre la TV aujourd’hui, alors qu’elle surement est encore d’actualité dans une certaine mesure. Mais cette cité à laquelle Stéphanie est attachée, elle fait quand même des pieds et des mains pour en partir, parce qu’elle sait que c’est un cocoon fermé trop petit pour elle. Il y a pas mal d’optimisme dans « papa was not a Rolling Stone » mais ce n’est pas un optimisme béat, le destin de Stéphanie n’est pas un chemin pavé de rose, elle reçoit des coups au propre comme au figuré. Mais elle a une volonté à toute épreuve et aussi elle a compris un truc essentiel : « c’est à coup de livres qu’elle franchira tous ces murs » ! Emballé par la sincérité évidente que Sylvie Ohayon a mise dans son premier film, on passe l’éponge sur les outrances, les dialogues qui se voudraient drôles mais qui tombent un peu à plat et les personnages qui en font un peu trop…