Il existe toujours la nécessité d’actualiser le mythe ou le syndrome de Peter Pan. Certains y parviennent avec une certaine grâce (« Neverland » de Forster et « Hook » de Spielberg), d’autres s’embourbent dans une bouillie numérique, rarement au service de profondes émotions (« Peter Pan » de P. J. Hogan et « Pan » de Joe Wright). Il s’agit d’une tragédie, où nous pouvions en rire un moment du côté de chez Disney, mais nous avons déjà passé le cap de la relecture outrancière. Le retour de Benh Zeitlin, après « Les Bêtes du Sud Sauvage », n’est donc pas anodin. Il a su capter la force du fantastique, tout en acceptant la vision crue et réelle des choses, même à hauteur d’enfant. Et c’est une manière d’invoquer la magie, qui ausculte généralement des blessures ou des maux sociaux. Ici, la perspective de devenir un adulte trop rapidement permet de lancer autant de problématiques matures qu’adolescentes.
Un sentiment de toujours rester à quai introduit la famille Darling, vivant littéralement au bord de la route. Le fait qu’ils tiennent un établissement de restauration les ramène ainsi à une servitude sans fin, sans avenir et sans mouvement. Pourtant, une opportunité sournoise sourit à la cadette Wendy (Devin France) et ses deux grands frères jumeaux James et Douglas (Gavin et Gage Naquin). Nous en saisissons les grandes lignes qui suivront, mais ce ne sera pas aussi simple cette fois-ci. Lé récit affiche un éventail généreux d’enjeux, à commencer par cette lutte contre une destinée ténébreuse, puis le deuil, celui d’une famille, d’une mère ou encore de la nature. Tout cet assortiment a de quoi appuyer le style du cinéaste, qui continue de diriger de jeunes comédiens à merveille. C’est également le cas pour le jeune Peter (Yashua Mack), souvent reléguer au second plan, mais en même temps, il s’agira de bien relire le titre pour mieux cerner le point de vue de cette intrigue.
Un regard neuf et un regard habile guette chaque découverte de Wendy, vaillante, intrépide et mesurée. Le beau jeu se trouve justement dans les expressions, véritable souche expressive et émotive. Malheureusement, il vient un moment où l’on finira par perdre le fil, qu’on se sente aussi confus que ces orphelins. Une vive tentative de se rapprocher d’un cinéma Malickéen lui fait pourtant défaut. Les émotions ne bourdonnent pas en nous et ces gros plans nous tiennent finalement à distance des propos. Oui, Zeitlin possède toujours une bonne précision dans le but de transmuter la matière brute en un terrain de jeu scintillant, fantastique et magique. Mais à force de répéter le procédé, sans envol scénaristique, la pertinence elle, décolle pour ne pas revenir de sitôt. Nombreuses sont les idées qui tiennent de l’ébauche, qui tiennent d’une bonne structure de départ. Il est donc navrant de constater l’effondrement soudain du peu qui a été bâti et qui proposait de l’espoir, jusqu’à plus soif.
Il y avait de la place pour « Wendy » et sa clique, dont la destination intéresse peu, contrairement à la surcharge de réflexion qui pèse dans les esprits. La démarche reste toutefois maladroite, ne sachant pas sur quel pied danser et à quel type de spectateur s’adresser. Et la mésaventure se fait couper l’herbe sous le pied, si l’on omet d’arpenter les vertus les plus simples, sur une île où la joie, la spontanéité et l’absence de responsabilités n’alimentent aucun conflit familial ou sentiments nostalgiques forcés. Et quand bien même l’ensemble est surligné et surjoué, il reste encore un bon espoir de voir le cinéaste grandir, tout comme son imaginaire, bestial et sans obstacles.