Savez-vous qui est Homer Hickam ? Non ? Moi non plus. Enfin disons plutôt que moi non plus je ne SAVAIS pas. Alors si vous voulez en connaître davantage sur ce nom, eh bien il ne vous reste plus qu’à faire comme moi et vous pencher sur le cas de "Ciel d’octobre". Quoique je vous dirai que ce n’est pas pour le personnage principal que j’ai regardé ce film. Non, c’est plutôt à cause de son titre accrocheur qui rappelle tout de suite la saison aux belles couleurs. Et en voyant le nom Joe Johnston associé au poste de réalisateur, eh bien je n’ai guère hésité. C’est vrai quoi, il avait signé deux succès populaires avec "Chérie, j’ai rétréci les gosses" et "Jumanji". Mais c’est aussi l’occasion de voir Jake Gyllenhaal encore au début de sa carrière, tout jeune qu’il était du haut de ses 18 ans à peine. Sans compter qu’à ses côtés on voit le nom de Chris Cooper et de Laura Dern, ce qui n’est quand même pas rien. Mais vous verrez aussi Chris Owen, le jeune rouquin qui se la pétait grave dans "American pie", sorti en salles tout juste un mois et demi plus tôt. Mais revenons-en à ce Homer Hickam, puisque que c’est de lui qu’il s’agit. Illustre inconnu pour la plupart d’entre nous, il est pourtant une vraie petite célébrité dans son domaine malgré son travail d’ombre. Etonnant parallèle, "Ciel d’octobre" est resté également dans l’ombre et pourtant il est intéressant à plus d’un titre. Principalement parce que ce long métrage montre un exemple typique de rêve américain réussi. Ces rêves américains sont d’autant plus admirables quand ils mettent en scène une ou plusieurs personnes qui sont parties de rien et qui ont ramé contre vents et marées pour y arriver. Direction est prise sur Coalwood, une petite ville minière de Virginie noircie par les volutes de poussière de charbon, cette énergie fossile à combustion lente qui tue à petit feu quand elle ne tue pas net. Vous savez, c’est le genre de ville dont la survie est étroitement liée avec l’activité de la mine, le genre de ville où on est mineur de père en fils, le genre de ville où ses entrailles ressemblent à un monde de taupes par les nombreuses galeries et le fourmillement des gueules noires, le genre de ville où tu n’es plus rien sans la mine. Alors il est évident qu’il y en a toujours au moins un qui aspire à autre chose que d’aller respirer les airs viciés du charbon entre deux éboulements ou coups de grisou. C’est le cas de ce fameux Homer Hickman, lequel emmène dans son sillage Quentin Roy (William Lee Scott), O’Dell (Chad Lindberg) et Quentin (Chris Owen). C’est en voyant le petit point lumineux de Spoutnik (le tout premier satellite lancé) parcourir le ciel étoilé qu’Homer eut la révélation. SA révélation. Il peut remercier la météo de ne pas avoir encombré le ciel ce soir-là, au même titre que le reste de la population, que j’imagine pas seulement américaine, attroupée dehors pour voir l’événement de l’année voire même du siècle (en tout cas à ce moment-là), attroupée pour guetter de longues minutes durant et observer une maigre poignée de secondes une tête d’épingle à la trajectoire rectiligne. Mais il peut remercier aussi d’être né à la bonne époque, simplement parce qu’aujourd’hui son rêve n’aurait pas eu son statut de rêve, à moins d’être foncièrement différent, et aussi parce que la pollution lumineuse actuelle ne lui aurait peut-être pas permis d’observer ce minuscule tronçon de parcours orbital. Eh oui notre monde a bien changé, jusque dans les façons de penser (le fils a le devoir de reprendre le flambeau de ce qui a été construit sur une vie entière ou sur plusieurs générations), et jusque dans les mœurs. Regardez donc ce respect dans les premiers amours, un respect surtout dû à une timidité un peu gauche. Oui, beaucoup de choses ont changé, et pas toujours en bien. Le fait est que les rêves ne prennent tout leur sens qu’à la condition où ils sont réalisés, ou tout du moins quand tout a été fait pour le concrétiser. Il va sans dire que, comme souvent dans ce cas-là, échecs, risées, coups du sort, brimades et désapprouvement familial font partie intégrante de ces rêves fous, fous parce qu’inaccessibles aux yeux de presque tous, au point de rendre ce rêve effectivement inaccessible et de le laisser dans le domaine de l’irréalisable. Et cela en dépit d’une éphémère notoriété suscitée par les journaux toujours avides de sensationnalisme, qu’ils soient locaux ou nationaux. Tout cela est fort bien rendu dans la réalisation de Joe Johnston pour le coup très sobre et réaliste comme s’il voulait rendre hommage au mode de vie de cette ville. Mais ce serait oublier la prestation des acteurs, à commencer par Chris Cooper, formidable de justesse dans la peau d’un père rigide à la fois attaché et partagé entre les valeurs/obligations familiales et l’amour d’un fils. Grâce à la confrontation directe (mais aussi indirecte) entre lui et Jake Gyllenhaal, un face à face latent s’installe. Il est insidieux, toujours présent, mais au moins, il a le mérite de provoquer une scène où on assistera à une remise en place émouvante des choses. Félicitons aussi Natalie Canerday en maman Hickam qui ose braver l’autorité paternelle, comportement encore impensable à l’époque. N’oublions pas que l’histoire débute en octobre 1957 ! Et puis il y a Laura Dern, que j’ai connue plus convaincante, même si c’est par elle que le film trouve son second souffle à travers un discours aux propos d’une importance capitale
, un discours qui fera voir plus clair l’amour pour les airs après un bref passage sous terre
. Cependant on ne peut échapper à quelques clichés, somme toute véridiques : la curiosité parfois malsaine de toute une population, mais aussi la solidarité. Cela permet de dresser un contexte social dans lequel rien n’était simple, et de dresser un portrait bienveillant de quelques personnages secondaires. Et ça marche, car certains d’entre eux vont attirer la sympathie du public, comme Bykovsky (Elya Baskin). Après il est certain que le film de Joe Johnston aurait pu marquer davantage les mémoires si plus de puissance avait été apportée à la confrontation entre ce jeune homme et son père, mais après tout ça s’est peut-être passé ainsi puisqu’il s’agit de l’histoire vraie d’Homer Hickam (on aura même des images d’archives durant le générique de fin), le premier volume des trois livres autobiographiques ayant servi de base. Mais est-ce que ça respecte vraiment tout à la lettre ? J’aurai tendance à répondre que oui car de ce film ressort le gentillet, l’honnête, et la véracité du propos. Reconnaissons tout de même à coup sûr la bonne reconstitution de l’époque, que ce soit au niveau des costumes, des véhicules et décors.