C’est dommage, vraiment dommage pour un film qui a mis autant de soin à reconstituer la capitale des Pays-Bas au temps du Siècle d’or, quand elle était le centre de l’économie mondiale et plus précisément quand la société amstellodamoise, de ses élites marchandes à ses couches sociales les plus modestes, fut pris de fièvre spéculatrice autour des bulbes de tulipe. Marchands d’épices et armateurs, peintres et artistes, poissonniers et servantes, ribaudes fumeuses de pipe et religieuses amidonnées, toute la population des Provinces-unies des années 1630 trouve droit de cité dans cette reconstitution historique franchement probante. Et tout ça pour quoi ? Pour une banale histoire d’amour contrariée, mille fois vue et revue, entre la jeune épouse d’un notable vieillissant et un jeune artiste chargé de peindre leur portrait en pied. A supposer même que vous soyez amateur de ce genre de romance en costumes, rien ne surprend, n’émeut, ne suscite un tant soi peu de tension dans l’éclosion de ces amours interdits, qui échoue même à conférer une sensualité minimale à ses scènes d’amour. ‘Tulip fever’ donne l’impression de suivre placidement un cahier de charge établi par des consultants en normalisation cinématographique, sans jamais sortir du rang : la bourgeoise tiraillée entre son respect des convenances et son attirance pour le peintre ? Evidemment. Le complot pour que la jeune femme quitte son vieux barbon de mari en sauvegardant les apparences ? Il y est. La servante enceinte qui échange le bébé avec celui de sa maîtresse pour éviter le scandale ? Bingo ! Les acteurs n’aident pas à l’implication émotionnelle du spectateur et, si Christoph Waltz joue comme toujours avec un admirable sens de la nuance, Dane DeHaan reste fade et Alicia Vikander, curieusement atone. Seule Hollie Grainger apporte un tant soi peu de luminosité au film, et encore est-ce tout à fait voulu puisqu’elle incarne l’amour libre et anachroniquement débarrassé des convenances. Reste évidemment la qualité des décors et des costumes, mais ce n’est pas (uniquement) avec ça qu’on fait les grands films.