Que dire devant un tel film? Autant rester silencieux et repenser aux innombrables belles scènes que l'on a vues? Je dois dire que je l'attendais avec une impatience démesurée, et ce depuis le Festival de Cannes 2014. De ce qu'on en disait, j'étais persuadé que Dolan allait encore me toucher, là où j'aime que le cinéma me touche. Tout était là pour que je sois déçu, pour que toutes mes attentes soient préjudiciables au visionnage du film. Eh bien non, Dolan est décidément génie. Ou du moins un maître de l'émotion.
Mommy, c'est l'histoire de personnes qui n'ont qu'un but, une étoile à atteindre: la liberté. C'est le leitmotiv constant. Le fil rouge. Tout est lié à cette quête de liberté. Le format (quel culot de la part de Dolan de choisir le format 1;1, pour moi tout un symbole du personnage) instaure un climat de confinement, comme une prison virtuelle, pour le spectateur et les personnages. Pas d'horizon, pas de perspective. Pas de place pour le rêve dans notre société standardisée à la façon d'un carré géométrique. Et vous verrez comment Dolan, par un nouveau coup de génie, dans une des plus belles scènes, nous fait comprendre l'ampleur de ce choix formel. Non, ce n'est pas un coup pour frimer, ou pour provoquer. Le format a même rarement eu un tel rôle dans le sens d'un film, dans le tableau des personnages, dans le récit.
Mommy, c'est une histoire de belles femmes. Portés par des actrices sublimes et bouleversantes (Anne Dorval et Suzanne Clément sont tout simplement irréprochables et impressionnantes de justesse-direction des acteurs parfaite Xavier Dolan), ces rôles sont une véritable élégie à la Femme. Belles, fortes, indépendantes, sensibles, humaines. Humaines.
Mommy c'est une tragédie. La tragédie d'un garçon formidable, comme il en existe tellement, mais enfermé. Prisonnier de la prison sociale. Du regard des autres. De la peur de l'autre. C'est un film sur ces gens qui ont le courage d'être différents mais qui se heurtent à la rudesse de la norme.
Mommy c'est une histoire d'amour entre une mère et son fils. Avec tout ce qu'elle a de plus beau et de plus dur.
Mommy c'est un film de passionné, qui aime toucher par les plus beaux élans humains, forts, ravageurs, salvateurs. On en ressort lessivé, comme si nos sens avaient été pris et essorés dans une machine à laver. Comment? A travers une recherche constante de l'harmonie entre le plan, la lumière, et la bande-son. A travers des personnages magnifiques. A travers un monde qui ressemble étrangement au nôtre.
Pourquoi pas 5 étoiles? Parce qu'on sent qu'il lui reste encore du chemin à faire. Qu'il peut aller encore plus loin, qu'il peut faire encore plus fort. Parce que flotte encore ce parfum d'inabouti à la fin du film. Peut-être manque-t-il encore quelque chose au récit? Ca ne saurait tarder, j'en suis sûr.
Certains prétendent que Dolan est le cinéaste du trop-plein. Peut-être. Mais je suis désolé, pour moi, le cinéma, et l'art en général, c'est toucher, émouvoir, fasciner, émerveiller. Aucun cinéaste ne m'a ému comme l'a fait Dolan. C'est pourquoi je continuerai à dire, et sans aucun doute, que Dolan est un très grand.