Le débat serait sans fin, mais il est tout de même plutôt triste de voir des productions de cet acabit se voir cantonner à l’écran de télévision alors qu’elles pourraient rayonner sur grand écran. A l’inverse on peut remercier Netflix de continuer à financer de telles œuvres au budget moyen et de voir de plus en plus de stars s’y afficher, sans quoi elles n’auraient peut-être jamais pu voir le jour. « Bird Box » est un thriller fantastique de grande qualité, qui sait parfaitement optimiser les ressorts de son postulat de base imparable : des créatures envahissent le monde et il ne faut pas les regarder sous peine d’être pris de velléités suicidaires. Il a comme seul véritable défaut de sortir quelques mois après « Sans un bruit » (mais en est dédouané car écrit et produit avant sa sortie) auquel il a été fortement comparé. Pourtant, hormis un de nos sens au centre de l’intrigue (ici la vue, dans le film de John Krasinski l’ouïe), la présence de femmes sur le point d’accoucher et une ouverture magistrale et tétanisante (la séquence de panique initiale est à couper le souffle), les films n’ont que peu de choses en commun, chacun traçant une voie qui lui est propre. S’il fallait rapprocher le film de Susannie Bier d’autres films fantastiques, on penche davantage pour l’une des œuvres les moins célèbres de M. Night Shyamalan, « Phénomènes », où une force surnaturelle poussait les gens à se suicider de manière similaire, et au chef-d’œuvre incompris de Franck Darabont, « The Mist » qui était une adaptation du roman éponyme de Stephen King. On y retrouve ce confinement oppressant d’un groupe en proie à des créatures avec la fin du monde en toile de fond. La sensation d’oppression étant ici peut-être moins radicale mais tout aussi prégnante. Ce dernier n’était en revanche pas avare à dévoiler les créatures, abandonnant le côté énigmatique de la menace pour se focaliser sur une critique du fanatisme religieux.
Dans « Bird Box » rien de tel. La cinéaste danoise, plus connues pour ses drames (« Serena », « Brothers », …) a choisi la suggestion en ne montrant jamais les créatures. Décision ô combien payante puisque cela évite tout ridicule éventuel ou excès de gore facile et favorise fortement une tension latente et insondable. Contrairement également à « Sans un bruit » qui jouait à fond la carte de la série B énervée, le survival de Bier flirte plutôt avec le drame et nous réserve quelques moments d’émotion intenses, notamment sur la fin, et grâce à la prestation intense de Sandra Bullock. L’actrice prouve qu’elle peut être excellente lorsqu’elle est bien dirigée. Mais le film contient son lot de moments éprouvants par le biais de suicides surprenants et de séquences où la tension est à son comble. Celle du double accouchement, celle de l’émeute en ouverture comme on l’a vu ou encore celle avec l’intrusion des évadés psychiatriques sont réellement implacables, que ce soit dans ce qu’elles montrent que dans la manière dont elles sont mises en scène. Un voile de mystère est gardé sur pas mal de pans de l’intrigue, ce qui n’est pas pour déplaire et contrevient à cette mode idiote de tout expliquer et amener sur un plateau d’argent au spectateur. Quant au fait d’alterner les séquences montrant le présent et celles au passé qui racontent comment Malorie et les deux enfants sont arrivés sur le fleuve, c’est un choix narratif judicieux. Il permet de briser la monotonie à la fois du road-movie maritime et du huis-clos.
Et même si on se doute de la mort des autres personnages,
le suspense vient de savoir comment elle arrive, et c’est tout aussi pertinent. On peut voir diverses significations métaphoriques dans le film comme celle qu’il ne vaut mieux pas voir ou que le monde actuel nous rend aveugle au vrai sens de la vie, on peut voir aussi une ode à la famille qu’on se choisit, les interprétations sont vastes. Mais « Bird Box » est avant tout un grand huit d’émotions et de sueurs froides axé sur un postulat implacable, malin et maîtrisé. Deux heures de pur plaisir de cinéma qu’on aurait juste aimé savourer sur un grand écran.
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