Conjuring 2 : Le Cas Enfield est finalement très similaire aux Dossiers Warren, au point de mieux s'inscrire comme son juste prolongement artistique plutôt que comme une suite purement commerciale. Certes motivé par l'appât du gain, il perpétue la très bonne expérience précédente en l'enrichissant d'une personnalité nouvelle, de teintes bleutées offrant une atmosphère différente et complémentaire.
Si l'on sait à présent que ce sera une duologie de Wan (le troisième sera réalisé par le tâcheron à l'origine du catastrophique La Malédiction de la Dame Blanche, Michael Chaves), l'évolution des Warren prend tout son sens : dernière oeuvre réalisée par Wan, Le Cas Enfield nous propose une vision plus intime, profonde et centrée sur ses deux protagonistes, qu'on apprend enfin à mieux connaître.
S'il perpétue le lien mythologique déjà posé par le premier [Annabelle][1], il permet surtout d'enfin s'attacher aux Warren (dont on connaissait très peu de choses) malgré ses excès de sensationnalisme, rappelant toujours qu'il est inspiré de faits réels sans comprendre que le True Story ne permet jamais de créer des enjeux de mort autour de personnages qui vivront encore de nombreuses années après.
Donnant trop d'importance à ses prémonitions meurtrières, il s'évertue surtout à instaurer le doute au sujet de la véridicité des actes de possession/maison hantée alors qu'il passe son temps à montrer de face ses apparitions démoniaques. A cela, rétorquons que c'est le principe du film de tout montrer : mais s'il reste dans la démonstration, s'il base son horreur sur le réalisme et le naturel dépassé par le paranormal, comment seulement penser qu'il pourra, ne serait-ce qu'une seconde, apporter une véritable remise en question du spectateur, lui qui a la preuve, depuis le début du film, qu'il suit une histoire vraie de maison hantée?
Jamais suffisamment jusqu'au-boutiste, Le Cas Enfield propose donc cette réflexion en demi-teinte que la mise en scène ne rend jamais crédible; c'est d'autant plus dommage lorsqu'on se souvient qu'il règle ici le problème majeur du premier film, son absence de réflexion et de remise en question. Et c'est tout paradoxalement qu'il s'évertue à reproduire ses mêmes effets scénaristiques communs, remplissant tout autant que son prédécesseur les passages obligatoires à remplir pour tout film du genre.
Toujours peu révolutionnaire, ce second opus vaut surtout, une nouvelle fois, pour le talent de cinéaste de James Wan, qui aura poussé ici sa caméra fantomatique jusqu'aux limites de ce qu'on peut filmer sans avoir recours aux trafics du numérique. Maître de l'ambiance, il opère une montée progressive dans l'épouvante avec une efficacité folle, appuyant toujours mieux sa réputation de plus grand générateur de frissons de sa génération.
Absolument géniale, la réalisation permet d'oublier la normalité du reste, de ses acteurs toujours égaux à son écriture trop codifiée pour laisser cours à l'imagination, à l'invention, à la surprise. Reste une iconisation des figures horrifiques propre à Wan, qui ne semble pas avoir perdu de son inventivité visuelle depuis le précurseur de la saga Conjuring, le bancal Dead Silence, même si l'on sent que la présence doublée de figures marquantes servira surtout à la conception de nouveaux spin-offs (dont le médiocre La Nonne).
James Wan, figure de proue du cinéma d'épouvante actuel, n'a toujours pas perdu de son talent d'invention; il le diversifie toujours plus, se réinvente constamment, propose enfin au public de films d'horreur des expériences uniques à chaque film, loin des oeuvres formatées, sans imagination ni personnalité que l'on peut voir sortir fréquemment.
Décidément, Conjuring s'inscrit dans les grandes duologies du genre. Le plus drôle reste à venir avec l'arrivée progressive du troisième volet auquel on devrait quand même laisser une chance, même s'il annonce la possible fin d'une saga prolifique en jolies images épouvantables. Une page risque de se tourner pour l'histoire du cinéma d'horreur du 21ème siècle.