A l'heure où il est confortable de clamer à tue-tête que nous sommes tous égaux, un petit retour en arrière cinématographique s'impose. Certes, ceci n'est qu'une vision subjective des conditions humaines, mais Visconti, avec sa force qui émane d'une mise en scène oscillant entre le merveilleux et le splendide, réalise avec "Violence et passion" un film engagé sur la lutte des valeurs, et d'une justesse de point de vue certainement indéniable. En opposant deux mondes, d'un côté les bourgeois intellectuels d'avant-guerre, de l'autre les jeunes paumés par les ravages de 1968 - entre autres - , le plus grand des cinéastes italiens renoue avec son thème de prédilection, soit les statuts humains et l'infinie guerre entre plèbe et rois. Avec beaucoup d'humour, il s'amuse à opposer les deux styles par des pulsions esthétiques (l'étage du bas est une merveille de raffinement, celui du haut devient une antre de laideur et de modernité), et avec dureté, pousse à son paroxysme la bassesse des gens du peuple, en ramenant leur vision de l'amour à un manège sexuel grotesque, à l'inceste et à la débauche des sens. Avec ces oppositions, ces personnages qui contrastent entre eux, cette effusion de visages qui engloutissent le cadre, cet art de déboucher vers tout en partant de rien, de signifier l'action dans un mouvement de cadre réduit et dans un unique décor (l'immense demeure), de faire éprouver l'acteur dans des rôles extrêmes, et surtout d'utiliser la musique comme une toile aux allures aussi politiques que son scénario, Visconti dé-squelettise les préjugés trop vite portés et, en portant un jugement après une longue étude morale de chacun des personnages, laisse souffler ce grand prestige d'âmes étouffées entre elles. Mais la critique se doit d'être courte, et c'est ainsi qu'il me faut rapidement mentionner le balbutiement génial, inégal, affiché, d'une troupe d'acteurs qui gravit l'Olympe à chaque scène, autant que la caméra de Visconti saisit leurs magnifiques visages en gri