Qui de mieux pour conclure l'immense toile tissée par les 23 films de la saga des Pierres d'Infinité du MCU pendant 11 ans que l'Homme-Araignée lui-même ?
Après une apparition marquante dans "Civil War", ce Spider-Man encore lycéen aura très vite eu ensuite son film solo, "Homecoming", s'imprégnant, comme chaque film de super-héros Marvel, d'un genre cinématographique bien défini, en l'occurence, ici, la comédie adolescente. Sur ce plan, le premier épisode fonctionnait bien, à la fois léger et multipliant les clins d'oeil aux incontournables de la catégorie (surtout ceux des 80's). Seulement, aussi sympathique soit-il, comparé à ses deux autres incarnations sur grand écran, le Spider-Man incarné par Tom Holland a toujours été défini à l'aune du MCU sans avoir réellement la chance d'affirmer son identité propre. "Homecoming" avait bien fait le choix (judicieux) de ne pas s'attarder une énième fois sur tout ce qui entourait les origines de ses pouvoirs mais, quelque part, il nous a aussi privé d'une attache essentielle à ce personnage en zappant sa construction solitaire à accepter et à affirmer sa nature super-heroïque. Certes, on a bien assisté à une évolution notable grâce à sa relation élève-mentor avec Tony Stark/Iron Man et son côté "justicier de quartier" a été mis en avant mais cela s'est déroulé justement dans la perspective d'un cadre plus grand, dépassant l'univers du seul petit ado-araignée, avec cette perspective ultime de devenir ou non un Avenger.
Bien sûr, "Homecoming" nous aura fait connaître sa première petite bataille solo en le voyant se frotter aux ailes du Vautour, présenté tout son entourage de seconds couteaux dans son sillage, réussi à utiliser une donne assez rare dans le MCU, le twist scénaristique (à part peut-être les deux derniers Avengers, peu de films Marvel peuvent s'en targuer) et, globalement, on peut même dire qu'il constituait un bon divertissement dans la moyenne haute de ceux proposés par Marvel (mieux vaut évidemment ranger dans un coin de sa tête l'immense plaisir ressenti devant les deux premières adaptations de Sam Raimi) mais ce nouveau Spider-Man méritait sans doute clairement plus d'indépendance pour exprimer tout son potentiel...
Bon, depuis, les événements des deux derniers "Avengers" sont passés par là et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils n'ont pas épargné notre pauvre Spidey en le confrontant aux plus terribles épreuves qu'il soit. Impossible donc pour ce deuxième volet de faire l'impasse sur ces derniers faits d'armes tragiques, surtout dans ce rôle simultané d'épilogue du MCU et de préparation de nouveaux horizons pour l'avenir, et la principale interrogation résultant de ce nouveau long-métrage est donc de savoir si, enfin, ce Spider-Man va pouvoir y briller par lui-même malgré le poids de toutes ses responsabilités nouvelles. Dans le fond, on peut l'espérer car lui-même le sait déjà: un grand pouvoir en implique forcément...
Ces responsabilités, Peter Parker n'en peut justement plus dans le monde post-Thanos dont "Far From Home" nous présente rapidement les conséquences sur le quotidien des simples humains. Élevé (à juste titre) au rang d'un des sauveurs de la Terre, l'adolescent, lui, ne demande qu'une chose: retourner à sa vie quotidienne de lycéen afin de séduire Mary-Jane (géniale Zendaya) lors de son voyage scolaire en Europe. Mais Nick Fury a décidé de parasiter ses projets romantiques en lui demandant d'apporter son aide au nouveau venu Mysterio dans sa lutte contre un nouveau fléau mondial, Les Élémentaux...
Dans la droite lignée "teen & twist" de son prédécesseur, "Far From Home" va d'abord jouer à fond la carte de l'humour pour traduire cette recherche de normalité sans cesse bousculée par les exigences de Nick Fury à l'égard de Spidey et l'ombre encore bien présente de son père de substitution, Tony Stark. Pendant une longue première partie, le film va être tout simplement un teen-movie de vacances au ton léger, très léger et, en définitive, trop léger. Tout est tellement sujet aux moindres bons mots ou gags que "Far From Home" pourrait presque faire passer un "Ant-Man et la Guêpe" pour un film des frères Dardenne, c'est dire l'overdose comique dans laquelle il plonge la tête la première, les sourires sont certes bien là mais on commence sérieusement à paniquer à l'idée que le film n'ait que ça en réserve à proposer. Heureusement, la jolie innocence de l'amourette entre Peter Parker et Mary-Jane (une des plus belles réussites du film qui fera constamment battre les restes de notre petit cœur d'adolescent jusque dans les derniers instants) ou ce nouveau lien de mentor à élève entre Spider-Man et Mysterio parviennent à donner un peu de corps à la désinvolture de l'ensemble contrairement à la gravité de la menace beaucoup trop rapidement expédiée pour être honnête.
En effet, sur ce dernier point, à moins d'être un complet néophyte à l'univers de Spider-Man, il n'était pas bien difficile de comprendre que la situation de départ telle que mise en place cachait quelque chose de bien plus louche (et ce avant même le visionnage)... Eh bien, le film ne semble faire aucun effort pour le cacher, les premières informations sur le danger menaçant la Terre sont balancées à une telle vitesse et sans réelle consistance dans la tonalité légère de l'ensemble (à peine quelques répliques pour résumer un passif censé être terrible) que l'odeur du twist n'est mise à aucun moment à l'abri du flair du spectateur. En bref, il ne reste plus qu'à attendre que la révélation éclate et entraîne "Far From Home" vers un peu plus de sérieux car sinon la sentence risque d'être sans appel...
Rassurez-vous, dès que ce secret de polichinelle n'est plus, ce nouveau "Spider-Man" va connaître un incroyable regain qualitatif qui ne faiblira désormais jamais ! L'humour sera bien sûr toujours présent mais, à partir de ce moment, la nouvelle direction du film l'oblige à embrasser pleinement une tournure dramatique qui va lui faire un bien fou à tous les niveaux.
Cela passe d'abord par un antagoniste qui se place instantanément dans le haut du classement de ses collègues du MCU. Dur d'en parler sans trop en dévoiler mais sachez juste que la réécriture de ses origines dans le contexte du MCU s'avère extrêmement bien pensée sans trahir la nature profonde du personnage tel qu'on le connait, cela permet même au film d'asseoir complètement son statut d'épilogue s'inscrivant dans l'historique des films Marvel. Par ailleurs, si Jon Watts nous avait gratifié déjà d'un joli affrontement contre un Élémental (le plus "bouillonnant" d'entre eux avec un très chouette plan-séquence hélas trop court), une fois la lumière faite sur l'ennemi, l'utilisation de ses capacités particulièrement roublardes vont pouvoir amener un caractère inédit bienvenu dans les affrontements où la vitesse d'enchaînement de séquences assez superbes côtoie de nombreuses mini-surprises (de mémoire, on n'avait pas vu des pouvoirs aussi bien exploités visuellement dans les combats d'un film solo Marvel depuis "Doctor Strange"). Les moyens développés par cet adversaire vont véhiculer en permanence une dynamique imprévisible, chose plutôt rare chez Marvel, et obliger Spider-Man à subir leurs contrecoups pendant un bon moment...
Avec un ennemi ayant autant la main mise sur la progression scénaristique du film et la donne redondante d'héritage de Tony Stark, nos espérances en amont de voir un Spider-Man prendre enfin son envol en solo n'avaient a priori pas de très grandes chances de se concrétiser... Là encore, "Far From Home" va agréablement surprendre en confrontant l'adolescent à ses démons des précédents films par l'entremise des manipulations retors de sa némésis de circonstances et le forcer à les dépasser. Nick Fury et Happy ont beau être de la partie pour encadrer le jeune homme, ils ne sont en réalité que des tremplins vers son ascension avec comme but ultime son autonomie super-heroïque pour égaler et trouver sa place au regard des influences de son plus illustre modèle (le regard de Happy dans l'avion sur Peter en dira plus long que tout le reste). Ce sera également un rôle partagé par le vilain amenant in fine Spider-Man à surmonter ses défaillances dans tous les domaines lors de la très chouette bataille finale et où le lycéen en sortira plus mature, comme soulagé d'un passé qui lui ne permettait pas d'avancer, afin d'entrer dans une nouvelle ère de ses aventures solo sans pour autant écarter d'éventuelles coopérations de plus grande ampleur.
Les scènes post-générique iront totalement dans cette voie en proposant, pour la première, de se fixer sur ce Spider-Man désormais libéré du poids du MCU et confronté à de nouvelles perspectives dangereuses issues de son propre univers (préparez-vous à un énorme sourire devant une énorme surprise dont le secret a été très bien gardé !) tandis que la deuxième, elle, plus en mode blague mais loin d'être là par hasard, posera de nouveaux jalons pour l'avenir de l'univers partagé. Un monde dans un plus grand en somme mais qui peuvent maintenant tous deux coexister sans interférences grâce à la nouvelle stature de son super-héros. On a déjà hâte de voir ce que le troisième opus pourra donner...