Si l’engouement semble préserver la franchise Marvel du manque de rigueur habituel, il y aura toujours cette minorité qui souhaite partager sa détresse, non pas pour condamner, mais pour encourager. Mais alors qu’une formule fonctionne et refait écho d’une année à l’autre depuis plus de dix ans maintenant, il reste la question de créativité, d’originalité et de personnalité derrière des œuvres qui n’arrivent pas encore à propulser leur personnage principal vers l’iconisation voulue, au sens héroïque du terme. Il est alors difficile pour Jon Watts de trouver un équilibre entre la pyrotechnie numérique et les enjeux émotionnels de l’homme-araignée. Néanmoins, il aura plus de propositions et d’audaces sur certains aspects que dans son premier volet, presque sans saveur.
L’entame de l’intrigue prend donc place à la suite « d’Avengers Endgame » et devrait donc développer les conséquences du claquement de doigts de Thanos, n’est-ce pas ? Si on veut. Alors consolons-nous d’apprendre qui a acheté la tour des Avengers ou en quoi le suspense laissé en fin de « Spider-Man : Homecoming » aura de l’impact auprès de tante May, non… ? Et bien non. Tom Holland aura beau interprété son personnage avec sensibilité et sérieux, mais il ne pourra rien si on ne lui accorde pas la continuité qu’il faut, sachant que ce volet tend à clôturer tout un cycle. Ce n’est pas la première fois qu’on nous promet la lune et qu’on obtient le contraire. Bien entendu, la trahison ne sera pas totale. Les premières minutes aborderont quelques nouvelles contraintes de vie, suite au retour de la moitié de la population. On en profite d’ailleurs pour donner le ton humoristique, qui empiétera bien trop sur la mise en scène, paresseuse en plus d’être revisitée. Quant à sa moitié, Mary Jane, « MJ » (Zendaya) c’est encore plus problématique. Pourvue d’une personnalité différente des comics et de ses dernières apparitions sur grand écran, il n’y a pas d’éléments qui la poussent à évoluer intérieurement. Elle n’est présente que pour servir Peter et un de ses dilemmes. L’épisode s’acharne donc à la placer au second plan, sur un ton tantôt comique tantôt romantique, mais tout reste superficiel, à l’image d’un teen movie standard.
La surprise sera tout de même au rendez-vous et ce sera auprès de Mysterio, incarné par un Jake Gyllenhaal bien en jambes. Il constitue ce qu’il y a de mieux dans un film qui s’enfonçait lentement dans une comédie Erasmus assommante. Le spectaculaire réussit ce qu’il entreprend et offre des plans de haute voltige. Pour cela, on remplit le cahier des charges, avec de belles images apocalyptiques, mais tout est rendu possible auprès de ce nouveau héros. Il porte en lui un message universel sur les croyances de chacun et ce que signifie être un héros aux yeux d’un public, ce qui est raccord avec le trouble de Peter, à la suite de la disparition de son mentor et père de substitution. À présent, il est question d’héritage et de rang à assumer, car le monde n’est plus le même. Toujours connecté et perçu dans un écran, l’image compte plus que tout ici. Entre agent double et héros en perdition, il y aura du travail psychologique qu’on aborde parfois avec maladresse. L’idée est bonne, mais la démarche est à revoir, car on s’arrête assez peu sur les enjeux qu’on s’est initialement fixé. Sauver le monde passe alors rapidement au second plan, si ce n’est le troisième, chose qui n’est pas crédible, comme d’autres détails à découvrir en salle.
Finalement, « Spider-Man : Far From Home » est encore très adolescent dans sa forme, bien que les thèmes abordés soient acceptables. Mais les problèmes de continuité et les manques d’enjeux sur le personnage de Peter ne proposent en rien une conclusion honnête à cette phase trois. Nous avons droit à une visite guidée en Europe, vêtue d’une romance gratuite. Sans vouloir se connecter aux films précédents, le récit se retrouve souvent dans l’impasse et use de facilités scénaristiques douteuses. Si ce n’est pas le cas, la transition ultra humoristique sera présente pour faire passer le moment et c’est assez regrettable de l’identifier ainsi. Il faudrait donc prendre avec des pincettes les scènes-post génériques, qui offrent des indices sur la phase suivante. Il n’est pas possible que la moitié des problématiques présentées soient éclipsées, à l’image du contexte Notons alors que l’autre moitié nous propulsera incontestablement dans des enjeux plus cosmiques. Bonne nouvelle ? Impossible d’y répondre ou d’entretenir un espoir concret après tout ça.