« Spotlight » est précédé d’une rumeur favorable, de plusieurs nominations aux Oscars (dont une dans la catégorie reine « meilleur film ») et jouit d’un casting de première classe. Long de plus de deux heures, le film de Tom McCarthy est un vrai film « à l’ancienne » à plein de points de vue. D’abord, du point de vue de la réalisation, c’est un film d’un classicisme total : pas de montage audacieux, pas de travelling de folie ou de plan séquence de malade, pas de photographie hyper léchée ou d’effet de caméra improbables. McCarthy s’efface complètement derrière son sujet, on a l’impression de revoir un film des années 70 comme « Les hommes du Président », pour ne rester que dans le domaine de la presse. C’est bête à dire mais je trouve cela rafraichissant tout à coup de voir du cinéma sobre et efficace, à une époque où le style de réalisateur semble (parfois) prendre le pas sur le fond. Le casting, assez pléthorique, ne met pas en scène des immenses superstars mais des acteurs confirmés, souvent abonnés aux seconds rôles (Stanley Tucci, Mark Ruffalo, Liec Shreiber, Rachel McAdams) ou en pleine renaissance comme Mickael Keaton (qui peut définitivement dire merci à « Birdman » !). Ils sont tous épatant, chacun dans leur style mais incarnent leur personnage avec une sobriété et une retenue que je veux souligner, comme si eux aussi voulaient presque s’effacer derrière leur sujet. Je fais quand même une mention spéciale à Mark Ruffalo, que j’aime particulièrement : charisme, rigueur, avec en plus un charme un peu bourru qui rend cet acteur, encore un peu trop sous-exploité à mon gout, absolument épatant. Le scénario de « Spotlight » est linéaire, sans flash back, lui aussi sans effets de manche. On suit très facilement et avec un intérêt qui ne faiblit jamais l’enquête de Spotlight qui va, de jour en jour révéler quelque chose de tellement énorme qu’ils ont eux même du mal à l’appréhender. Les 4 journalistes travaillent à l’ancienne, en prenant des notes, en faisant du porte à porte, en passant coups de fils sur coups de fils : ils recoupent, ils vérifient, ils creusent : rien de spectaculaire, mais c’est passionnant. Evidemment, au fil de leurs investigations ils subissent des revers, des pressions plus ou moins subtiles, des tentatives d’intimidation aussi. Mais là encore, tout est feutré : on n’est pas dans un thriller où les témoins clefs sont victimes d’accidents suspects, tout est mesuré, crédible, à hauteur d’homme. Alors peut être ça déplaira à ceux qui justement aurait aimé un peu plus d’action, aux amateurs de suspens ou de sensations fortes mais le sujet ne méritaient pas autre chose que cette mesure, ce tact, cette retenue. La ville de Boston, très irlandaise, est ultra catholique et ce n’est pas un hasard du tout si le premier grand scandale de l’Eglise catholique à été révélé là bas. Les déviances de l’Eglise irlandaise ont déjà été dénoncées par le cinéma, par Peter Mullan, par Stephen Frears par Clint Eastwood aussi, de manière indirecte dans « Mystic River ». Mais Spotlight va plus loin que ces films précédents en mettant en cause un système organisé de camouflage des scandales, et organisé au plus haut niveau de l’Eglise américaine : à vrai dire peu de monde est épargné par ce scandale de Boston, ni l’Eglise, ni la Justice, ni la Police, ni la Presse elle-même… « Spotlight » est un film qui ne met pas en scène des criminels (les prêtres coupables ne sont presque jamais montrés à l’écran), mais qui met en scène une sacrée brochette de lâches ! « Spotlight » est un film « à l’ancienne » car il met aussi à l’honneur une presse en voie de disparition, la presse écrite d’investigation. Ca fait un bien fou de voir de vrais journalistes au travail ! Au niveau des petits défauts, on peut regretter que le film passe un peu vite sur certains aspects comme par exemple les répercutions de l’enquête sur la vie personnelle, familiale, psychologique des 4 journalistes. Pour des bostoniens purs sucres, faire une enquête comme celle-là dans le contexte de l’époque devaient poser d’autres problèmes que des problèmes professionnels. Dommage que le film de McCarthy n’appuie pas un tout petit peu plus sur cet aspect. Mais à part ce petit bémol, il n’y a pas grand-chose à jeter de « Spotlight », du bon, du très bon cinéma accessible à tous et presque, au regard de ce qu’il traite, d’utilité publique.