Boston, 1976. La caméra suit un policier jusqu'à son comptoir ; la mine du professionnel est grise, sinistre, désabusée ; un peu plus tard, on comprend qu'un évêque tente de rassurer une mère dont les enfants ont été abusés, en lui promettant que le curé sera muté ailleurs et que cela ne se reproduira plus jamais ; et l'auteur du crime ignoble disparaît dans une voiture avec le haut dignitaire. Le film se passe moins de trente ans après, au même moment des attentats des World Tour Center, où une équipe de journalistes d'investigation est saisie par le journal The Globe pour mener une enquête sur ce qui se révèlera un scandale international d'abus sexuels perpétrés par des religieux sur des enfants, eux-mêmes défendus par l'institution catholique toute entière. Spotlight, c'est justement le nom de cette équipe d'investigation. Evidemment, le film n'échappe pas à une forme de manichéisme où les journalistes sont présentés comme des sortes de justicier de l'information, même si l'on apprend au cours du film que, face à des drames pareils, à ce point institutionnalisés, le journalisme est lui aussi manipulé et manipulable. Au-delà du scandale décrit par le film, le récit s'attache avec opiniâtreté à observer le fonctionnement d'une équipe de journalistes. Le récit ne s'embarrasse pas d'histoires parallèles qui auraient trait à la vie personnelle des journalistes, il se concentre sur une enquête haletante, éprouvante, où le spectateur assiste, impuissant, à ce qui peut y avoir de pire dans la nature humaine et organisationnelle. Tout au long du film, absolument prenant, le réalisateur insère des story-boards de New York ou de Boston, où l'on voit des paquets de maisons ou d'immeubles enserrés autour d'une église ; c'est une manière astucieuse, jamais poussive, de montrer la puissance des réseaux catholiques pour taire la vérité, sinon la travestir, ou manipuler les institutions sensées rendre la justice. Il y a alors quelque chose de glaçant dans ces images, particulièrement une scène où la caméra qui filme une victime de ces abus, s'arrête sur une église entourée de jeux d'enfants. "Spotlight" est un film captivant, qui se regarde d'un bout à l'autre avec la torpeur d'un enfant, c'est-à-dire de ces milliers de victimes qui ont subi la terreur de ces prétendus représentants de Dieu. Le tout est de garder la tête froide, de ne surtout pas généraliser ces comportements à toutes les églises du monde, pour autant à l'échelle de centaine de milliers d'abus sexuels aux quatre coins de la planète.