Cette année, on a eu le droit à un arrivage de films indépendants américains ultra-réalistes et très épurés pour le plus grand plaisir des cinéphiles. Après Fruitvale Station de Ryan Coogler, voici Short Term 12 de Destin Cretton.Short Term 12 conte l’histoire d’un foyer pour adolescents troublés et de leurs superviseurs et éducateurs qui tentent tant bien que mal de survivre dans cet environnement délétère. Ce qui aurait dû être un film larmoyant, mièvre et idiot se retrouve être une œuvre d’une force incroyable, grâce à une mise en scène toujours en retenue, presque distante par moments, sans oublier d’être tendre et bienveillante envers les personnages qu’elle croque. Les (jeunes) adultes sont aussi troublés que les adolescents, mais l’expriment autrement. Le film parvient à ne pas tomber dans le misérabilisme et montre parfois les bons réflexes de ces éducateurs, à travers la formation de Nate, un nouveau venu joué magistralement par Rami Malek, le miroir du spectateur. Tout est ordonné, classé, rangé pour pallier à un des multiples dérapages incontrôlés de ces pauvres êtres qui ont vécu le pire, dont on ne saura très souvent jamais rien car ce n’est pas le sujet du film. Tout le monde ne se livre pas dans la vie, c’est aussi le cas dans le film.Pour parvenir à un tel niveau d’excellence, il fallait que Destin Cretton adopte un côté documentaire à son film. L’utilisation de la musique de Joel P. West est remarquable, sa shaky cam est parfaitement maîtrisée, insufflant un malaise palpable, même dans des scènes joyeuses. Ses acteurs sont exceptionnels, Brie Larson bien évidemment mais surtout John Gallagher Jr., qui donne le meilleur pour ce qui est sans aucun doute le meilleur personnage de cinéma de l’année pour l’instant. La distanciation qu’il parvient à avoir avec des histoires horribles créé directement un réalisme encore rarement atteint dans des films de ce genre. On passe ainsi du rire aux larmes, parfois dans la même minute, sans pour autant que les scènes chocs (la crise de Kaitlyn Dever, le rap de Keith Stanfield) ne soient trop appuyées, à l’image de la fête en l’honneur des parents du personnage de John Gallagher Jr.On y retrouve aussi Stephanie Beatriz (Brooklyn Nine-Nine, Hello Ladies), qui est en train de tout exploser à la télévision US. Short Term 12 est un véritable plaisir de cinéma, un chef d’œuvre tout simplement. Milestone.