Ecumant tous les cinémas de ma région pour voir ce film, j'ai finalement atterri dans le petite salle où j'étais allée voir Her. Pas de soucis en ce qui concerne les places, ce cinéma ne passant que 4films rigoureusement sélectionnés dans les grands festivals, peine à trouver sa clientèle. Face à la concurrence des grands cinémas aux alentours distribuant des blockbusters, ses salles sont rarement pleines (peut-être que l'absence de pop corn y est aussi pour quelque chose, enfin..). Et malgré l'unicité de lieu du film dans les 50km à la ronde, encore une fois la salle était (presque) vide.
Cette merveille méritait clairement plus de public.
States of Grace aborde des sujets lourds avec une légèreté accessible et touchante. On entre avec le nouveau moniteur dans ce foyer d'adolescents en difficulté. Destin Cresson nous met en garde : nous ne sommes pas leur père, ni leur psy. Autrement dit nous ne sommes pas dans cette salle pour les juger ou leur donner un conseil. Nous sommes aussi mal placés que Grace pour donner des conseils d'ailleurs. Grace est la chef du foyer ou peut-être au fond une personne du foyer tout court. On découvre son histoire en même temps que celle des autres enfants. Emouvante, sensible, et surtout incroyablement humaine, la très bonne Brie Larson nous offre le portait d'une des femmes les plus fortes vues au cinéma...peut-être l'une des plus fragiles aussi. La première scène où on l'aperçoit, seule, fait un énorme contraste avec ce que l'on a vu d'elle auparavant. Plus vulnérable et perdue, cette Grace détonne avec le personnage fort et convaincu des premières minutes. On entre alors dans un univers plein d'authenticité où deux mondes parallèles coexistent : celui du foyer et celui de Grace.
Celui du foyer nous permet de nous attacher à des mômes plus torturés que les uns que les autres. Mais Cresson ne va jamais dans la caricature. Il filme juste et reste simple, permettant une véritable émotion et un attachement instinctif à ces personnages. On déplore néanmoins que certains jeunes ne soient pas plus fouillés que ça. On aimerait connaître l'histoire de chacun mais voilà comme Grace nous avons nos préférences et nous nous attardons sur les plus difficiles. Par exemple, Marcus, avec sa casquette, nous est montré comme un type dur qui cherche la moindre occasion pour s'embrouiller. On lui demande ce qu'il veut pour son anniversaire et il nous répond qu'il veut se raser. Non pas de gâteaux, pas de bougies, il n'en a rien à foutre. Il veut se raser. Pourquoi ? Là, un nouveau Marcus se dévoile. Un enfant maltraité qui ne connaît rien du bonheur, de la tendresse et qui crève d'envi d'y goûter.
Tout comme Jayden. La jeune fille se protège sous une carapace elle-aussi. Eye liner, vêtements noires, pénis accrochés à son mur (très scientifiquement comme lui avait demandé Grace), écouteurs dans les oreilles et crayon à la main, elle se coupe du foyer. Ce foyer qui va vite lui apparaitre comme un refuge.
Encore une fois, le film nous montre que l'habit ne fait pas la moine.
Si cette gosse, au nom très féminin de Jayden, a ce comportement; ce n'est pas parce que son père ne peut pas s'occuper de lui. Au contraire, on découvre en même temps que Grace que son père lui porte bien trop d'attention. On est outré que le supérieur autorise Jayden à aller voir son père le week end. Il n'a pas de preuve. Pas grave, on va éclater la tronche de ce salaud. Grace alors prend le relai et va chez lui avec une batte de baseball. Sauf que là, on regrette un peu. Peut-être y a-t-il d'autres moyens non ? L'empoisonner par exemple ? Aucune preuve comme ça. Parce que la batte de baseball, ce n'est pas discret. Finalement on se contentera d'exploser sa voiture et d'accompagner Jayden chez le supérieur.
Cette fille qui nous apparaissait complètement antipathique devient si attachant qu'on sourit bêtement devant cet happy ending.
Enfin le monde de Grace est presque aussi déprimant que celui de Jayden ou Marcus. La jeune femme se retrouve enceinte alors qu'elle est incapable de s'occuper d'elle-même. Incapable de se débarrasser de son passé. Incapable d'en parler. Même à son fiancé qui est l'homme le plus adorable qui existe. Il est d'ailleurs le premier à nous faire rire, à nous faire aimer Grace. Il apporte une vraie légèreté au film hypnotique de Larson.
C'est simple on ne détache pas les yeux de l'écran et les 1h30 passent crème. Larson a une maîtrise du temps excellente. Alors que le film pourrait facilement tombé dans l'ennui, les scènes s'enchaînent, ne nous laissant aucun répit. On découvre des morceaux de vies au fur et à mesure des minutes et la caméra toute en simplicité passe d'un univers à l'autre pour mieux nous émouvoir, encore. AUTHENTICITE, voilà la force de States of Grace. Que ça soit dans les acteurs, les cadrages, le scénario, les dialogues, les personnages. On voit que le réalisateur connaît son sujet et qu'il sait cadrer une équipe.
Il nous emporte avec lui et, 3h après, on ne s'en remet toujours pas. La générosité de l'équipe nous touche en plein coeur et on ne peut qu'être ému par ce film simple qui nous montre la vie dans ce qu'elle a de plus dure et de plus douce...
States of Grace est un énorme coup de cœur.