States of Grace (ou Short Term 12 en VO) est un très beau petit film. Réalisé par l’américain Destin Daniel Cretton d’après le court-métrage du même nom, il offre à l’actrice Brie Larson son premier grand rôle au cinéma: celui de Grace, une jeune éducatrice spécialisée.
Grace travaille avec trois collègues dans un foyer pour mineurs. Ni parent, ni psychologue elle agit avec les ados en grande sœur attentive. Son but n’est jamais de les juger, mais d’instaurer un climat de confiance. Malgré un thème pesant (celui de la difficulté à se relever de traumatismes violents), States of Grace n’est pas un film social triste à pleurer. Au contraire, Destin Daniel Cretton relève brillamment le défi de nous donner franchement le sourire! Au milieu d’enfants battus, violés ou traumatisés d’une manière ou d’une autre, le pari n’était pas gagné d’avance, et pouvait même paraître carrément déplacé. On peut le dire: pour concocter un feel good movie autour d’un sujet aussi lourd, il ne faut pas avoir peur de faire très bien les choses, ou de passer pour un imbécile. Destin Daniel Cretton a donc opté pour la première solution, et c’est un vrai bonheur.
Il a d’abord l’intelligence de nous faire entrer dans ce foyer en même temps qu’une nouvelle recrue: Nate. Ne connaissant rien au métier d’éducateur, Nate débarque avec plein de belles idées. Il est là pour “aider les enfants défavorisés”, avec sa belle chemise, et même une cravate à l’occasion de sa première journée! Il n’est pas foncièrement antipathique, mais terriblement maladroit… et quelque part porteur des idées reçues ou généralités condescendantes dont sont souvent affublés les foyers pour mineurs, que les spectateurs, vous, moi et les autres véhiculons peut-être sans forcément nous en rendre compte. Bref, entrer dans le film en même temps que Nate permet de balayer dans les premières minutes du film toutes ces idées, quelles qu’elles soient, et de se focaliser sur le terrain, et sur chacune des histoires individuelles qui le composent.
Ensuite, Destin Daniel Cretton parvient à rendre terriblement crédible la vie de ce foyer grâce à une mise en scène très pudique, presque timide. Il filme ces ados renfermés et ces éducateurs avec fragilité, sans jamais en dire ou en faire trop. La caméra s’adapte, se fond dans son sujet, et le tout donne une impression de petit film sans prétention, duquel se dégage une grâce immense. Le piège du pathos, de la séduction du spectateur par la sensiblerie ou l’étalage de bons sentiments est donc largement contourné. Le pire est évité!
Enfin, States of Grace est un film à fleur de peau. Il nous présente des personnages aux parcours chaotiques. Forcés à cohabiter dans un même lieu, leurs rapports sont conflictuels, parfois violents. Les histoires des uns se heurtent à celles des autres. La capacité à communiquer est aussi faible que l’ego de chacun. Parfois, certain(e)s semblent lâcher prise, ne plus vraiment vouloir s’en sortir, et donnent à voir des scènes de mutilation, de tentative de suicide ou de fugue. Pourtant, il y a une sorte de solidarité au milieu de tout ça. Quelque chose de naturel et de foncièrement positif, qui fait que dans une tentative désespérée, chacun essaie comme il peut d’aider celui ou celle qui semble au plus bas. C’est de cette entraide que le film nous parle. Sans pitié ni condescendance. Loin du recul des thérapeutes et psychologues. Au plus proche du terrain. En endossant le double rôle: celui de l’éducatrice à l’écoute et de la post-ado terrorisée, Grace est la clef de voute du film. Son histoire est touchante. On comprend vite que le métier qu’elle s’est choisi découle d’un parcours personnel compliqué, et que le fait d’aider ces ados est une manière de se sauver elle-même. Une sorte de thérapie par l’action en quelques sortes. Le tout sera alors pour elle d’arriver à se défaire de ses vieux démons pour avancer, à l’image de tous les pensionnaires du foyer, finalement.
En fait, States of Grace parle de la quête d’appaisement, et de la nécessité de communiquer pour y parvenir. La chose n’est pas aisée, on le comprend vite, et la confiance est primordiale. Dans leur volonté d’avancer malgré leurs fardeaux, les personnages mis en scène par Destin Daniel Cretton sont terriblement touchants, et insufflent au spectateur une énorme bouffée d’espoir.