De l’autre côté du miroir, c’est le monde imaginaire. Celui d’Alice, dont elle est l’héroïne, et de pleins d’autres personnages, que l’on retrouve sans grande surprise, un simple air de réconfort dans l’air. Le premier volet était réalisé par Tim Burton et il avait divisé la critique autant que les spectateurs. Nous l’avions aimé, en tout cas, l’univers du cinéaste s’accordant parfaitement avec celui de Lewis Carroll. Le second film a été refilé à James Bobin, peu connu, qui devait faire l’affaire pendant que Burton tournait Miss Peregrine et les enfants particuliers, qui produisait en même temps le projet de son confrère. Le défi était de faire une suite à la hauteur du précédent, avec la même atmosphère tout en la renouvelant. Etonnamment, Bobin a concrétisé tout cela, en y ajoutant même une portée symbolique qui est la bienvenue au milieu d’autres blockbusters essoufflés. Alors forcément, on a aimé. Et que tout le monde se rassure : ça tient la route visuellement.
L’histoire est sympathique. Alice revient dans le pays des merveilles après avoir suivi Absolem à travers u miroir, puis apprend que le Chapelier est malade, parce qu’il croit que sa famille est vivante après avoir retrouvé une étoffe du premier chapeau qu’il avait fabriqué. Certes, cet élément perturbateur est un peu bancal, mais les aventures qui s’ensuivent regorgent d’inventivité, de nouveaux protagonistes intéressants, où la magie fait toujours effet, avec la richesse et l’originalité d’un rêve illimité. Ainsi Alice rencontre le Temps – un Sacha Baron Cohen dont rôle est majeur, tant par ce qu’il représente que par ce qu’il fait – et lui demande d’emprunter la Chronosphère afin de sauver la famille Hightopp de l’attaque du Jabberwocky malgré son avertissement : « On ne peut changer le passé. Mais je dirais qu’on peut en tirer de bonnes leçons. » Le(s) voyage(s) dans le temps sont l’occasion d’explorer l’origine, ou du moins le passé du premier film, dans une esthétique très flamboyante, minutieuse, assez proche, un côté peut-être trop artificiel en plus. Les effets spéciaux ne manquent pas, mais ils restent l’occasion de bonnes trouvailles visuelles, notamment les voyages dans la « mer du temps », dont chaque vague est un souvenir, un événement passé, dérobé, selon Alice, par le Temps.
Le fait est que, de bout en bout, le film reste une sacrée métaphore de son effet sur la vie. Chaque vie étant symbolisée par une montre, une fois leur temps écoulé, ce dernier prononce la mort de ladite personne. Mais là où le scénario reste intelligent, c’est qu’il fait de ce « méchant idéal » un personnage neutre, tragi-comique, qui, à aucun moment, n’abuse de son pouvoir. Il est simplement inéluctable, et la vision qu’on peut en avoir est susceptible de changer après la séance. C’est en effet un collectionner, à qui il faut accepter de donner ce qu’on a perdu, et qui est la solution au regret. Son palais mécanique en est la représentation la plus concrète, nous affirmant surtout que son fonctionnement reste une énigme, une énorme machine que rien ne surpasse.
On a affaire à une bonne suite, au même niveau que celle de Burton. Même si certains personnages sont relayés au second plan, Alice est bien développée, quoique trop solitaire. De plus, la frontière entre rêve et réalité est seulement esquissée, ce à quoi Johnny Depp rétorque : « Qui peut savoir où commence l’une et l’autre ? » C’est vrai, ça a toujours été une question sans réponse. N’importe : le film sait nous divertir tout en se faisant porteur d’un message, ce qui, pour un film à gros budget, est gageure de qualité.