Il serait plus que temps que les producteurs français cessent de ressortir les comédies cultes des cartons pour en tirer des suites poussives rappelant cruellement que le temps a passé ! Après "Les Bronzés 3" et "Les 3 frères 2", c’est, donc, au tour des "Visiteurs" de s’offrir un revival, bien des années après leurs exploits passés. Ce retour est d’autant plus surprenant que le second opus avait déjà largement divisé et semblait avoir condamné Godefroy de Montmirail et Jacquouille la Fripouille à ne jamais connaître de suites à leurs voyages dans les couloirs du temps. C’était sous-estimé le manque d’imagination de nos scénaristes et le retour en grâce de Christian Clavier (merci "Qu’est ce qu’on a fait au bon dieu ? "). Naïvement, je m’étais pris à espérer que les années avaient permis de méditer sur les erreurs de l’opus précédent (montage erratique, interprétation outrancière, dérapages cartoonesques, gags bas de gamme…) et que ce troisième opus aurait été celui du renouveau, avec injection de sang neuf et humour mise à jour. Les bandes-annonces ainsi que l’affiche nanardesque m’avaient un peu refroidis. L’épouvantable accueil critique et public du film sont venus achever mes dernières ardeurs… J’ai, pour autant, fait l’effort de constater par moi-même l’étendue de dégâts… et je n’ai pas été déçu ! Une fois n’est pas coutume : tout ce qu’on a dit sur le film est malheureusement vrai, à commencer par son principal défaut : il n’est pas drôle, ce qui est, tout de même, problématique pour une comédie censée casser la baraque ! Comment les scénaristes (Christian Clavier et Jean-Marie Poiré, de retour d’exil artistique) ont-ils pu imaginer que le public actuel rirait à cette succession de prétendus gags exclusivement scatologiques ? Pour ceux qui n’avaient pas encore compris en deux épisodes, ce troisième opus rappelle, à peu près toutes les deux minutes, que les deux héros dégagent une odeur assez terrifiante… ce qui est, clairement, le principal ressort comique du film ! Autre grand gag : le mot "couille", qui doit bien être prononcé plus de cinquante fois en espérant, à chaque saillie, susciter l’hilarité… Et dès que le film s’éloigne de ces deux leitmotivs comiques, on a carrément droit aux vannes caca-prout,
avec un sommet invraisemblable qui voit un Robespierre assez mal en point, d’un point de vue digestif suite à un repas trop corsé à son goût
… La vulgarité ambiante pourrait encore passer si les dialogues élevaient un peu le niveau ou si on retrouvait des punchlines cultes façon "okay"," jour-nuit" et autres, "qu’est-ce que c’est que ce binz ?"… On s’aperçoit très vite qu’on n’aura rien à se mettre sous la dent à ce niveau
(et surtout pas le "hourra c’est plus laïque", qu’on tente de nous imposer
) et que les tentatives de recyclage des vannes passés sont bien vaines. Et, si "Les Visiteurs : la Révolution" ne fait pas rire, que reste-t-il ? Le scénario ? Il réutilise toutes les ficelles des épisodes précédents
(la confusion sur l’identité des deux héros, pris pour leurs descendants disparus, la lutte de classe entre Jacquouille et son maître…)
et se refuse à toute structure narrative digne de ce nom
(voir, entre autres, Godefroy qui veut libérer le Dauphin, puis qui oublie...)
. La mise en scène alors ? On savait Jean-Marie Poiré, pourtant réalisateur de véritables chefs d’œuvres comiques " (Le Père Noël est une ordure", "Papy fait de la Résistance", "L’opération Corned-Beef"…), était perdu pour le cinéma depuis qu’il a décidé qu’un plan ne devait pas durer plus de trois secondes ? Même s’il s’est un peu calmé 14 ans après son dernier film, son montage reste inutilement haché. Mais, surtout, non content de ne pas apporter la moindre plus-value formel à son film, il le saborde à de nombreuses reprises. A ce titre, le final
(qui voit les deux voyageurs débarquer en Pleine Occupation nazie)
est un très grand moment de raté intégral puisque cette scène aurait dû
n’être qu’un climax pour un éventuel épisode à venir (comme l’a fait, avant lui, "Les Visiteurs 2 : Les couloirs du temps") et s’avère, non seulement, durer bien trop longtemps mais, surtout, s’achever subitement, comme un cheveu sur la soupe
. Rarement on aura vu un film s’achever d’une façon aussi maladroite et non maitrisée… Dès lors, peut-être peut-on sauver le casting ? Et bien non plus et on ne peut même pas en faire le reproche aux acteurs qui font ce qu’ils peuvent mais qui souffrent de personnages, au mieux peu écrits, au pire inutiles. Une fois encore, le reproche de cette multiplication de personnages ne peut qu’être imputable aux scénaristes et à la volonté, un peu artificielle, de placer des acteurs prétendument hype (Frank Dubosc, Karin Viard, Ary Abittan, Alex Lutz, Sylvie Testud…) pour attirer le public. Encore aurait-il fallu leur donner à jouer autre chose que des personnages monochromatiques faisant le show de leur côté, sans véritable interaction avec Jean Reno (visiblement fatigué) et Christian Clavier (cabotin lorsqu’il joue Jacquouille… et, invraisemblablement, bien meilleur dans les autres rôles qu’il s’est attribué). Le paradoxe du film est, d’ailleurs, d’être digne d’intérêt uniquement lors des scènes non comiques, à commencer par l’évocation du régime de la Terreur ou encore les prises de position de Gonzague contre son rang. Le soin apporté à la reconstitution historique et la volonté de désigner clairement les acteurs de l’époque (Marat, Robespierre, Saint Just, Couthon, Collot d’Herbois…) laissent d’ailleurs entendre que Clavier était visiblement plus intéressé par l’idée de faire un film historique qu’une comédie. Décidément, il ne reste pas grand-chose à sauver avec "Les Visiteurs 3" qui devrait marquer la fin définitive de Jacquouille et Godefroy. Il restera toujours le premier épisode… le seul qui aurait dû exister !