Divertissement parfaitement chorégraphié, mis en scène, Seul sur Mars aura conquis, dans sa grande majorité, le public des salles obscures en 2015. Film onéreux, spectaculaire, épique, et saupoudré d’une grande dose de bonhomie, le dernier né de l’écurie Ridley Scott avait tout pour plaire et le voici à prétendre au titre de ‘’comédie de l’année’’, curieux postulat. Oui, Seul sur mars, en dépit de son accessibilité tout public, de sa morphologie tout-à-fait conventionnelle de Blockbuster de Science-fiction à la sauce 21ème siècle, est une curiosité à bien des égards. Cela découle du nom de son metteur en scène. En effet, le film, à l’humeur légère, au propos résolument optimistes, tranche cruellement avec la filmographie du célèbre cinéaste britannique, avec le nihilisme mal-compris de son Cartel, avec la noirceur et horreur de ses références en matière de SF. Non pas qu’il s’agisse d’une erreur, loin s’en faut, mais l’on peine à comprendre ce revirement apparent dans la procédé de fabrication par Ridley Scott. Vous me direz, il s’agit de l’adaptation d’un best-seller, on en reprend donc les codes. Peut-être.
Autres croustillantes curiosités, une bande-son qui fait souvent référence, à la manière du premier visuel du film, avec le titre en surimpression, à Alien, le huitième passager, un film culte proprement antagoniste à celui-ci. Manière pour Scott de marquer son territoire? On pourrait aussi soulever cette drôle de volonté de faire de Mark Watney, l’astronaute laissé seul sur la planète Mars, un ersatz à peine masqué du légendaire MacGyver, dans sa façon de tout prendre avec bonhomie et humour, dans sa manière de s’épancher en voix-off sur ses trouvailles toutes plus prodigieuses les unes que les autres. Oui, Seul sur Mars est effectivement drôle, mais il est surtout profondément béatifiant envers l’institution spatiale américaine, la NASA, profondément naïf quant à la valeur d’une vie humaine. Ici, Ridley Scott ne semble motivé que par l’héroïsme palpable dans les faits et gestes de chacun des protagonistes de son film, de l’astronaute et son équipage au directeur de la NASA, en passant par toute une brochette de gus tous mus par la volonté de sauvé le brave Mark, sans contrepartie, même pas financière. Dernier indice de cette pontifiante glorification du héros humain, l’implication avec le sourire du programme spatial chinois dans l’aventure, histoire de vendre le film en territoire pourtant difficilement accessible.
Oui, jamais nous n’aurons connu un Ridley Scott aussi enclin à vendre son propre travail, celui-ci délaissant, pour paradoxalement tourné ce qui sera son plus gros succès depuis des lustres, son statut d’artisan indépendant, de réalisateur digne de ce nom. Rassurez-vous, nous retrouvons ici son savoir-faire technique, références faites à Prometheus, qui était, qu’il plaise ou non, une très belle démonstration de SF sur le plan visuelle. Ridley Scott soigne ici le moindre de ses plans, s’associant à une remarquable équipe de décorateurs et techniciens qui donneront vie à un environnement martien de toute beauté. Les costumes sont somptueusement détaillés, les décors sont admirables et les images aériennes de mars sont remarquables. Mais cela ne semble pas pouvoir contrebalancer les divers appréhensions en rapports mes arguments précédents.
C’est finalement Matt Damon, du haut de tout son talent lorsqu’il s’agit de se fondre dans n’importe quel rôle, qui fera pencher le film du côté positif. L’acteur est toujours captivant, toujours juste, même lorsqu’il est forcé de se la jouer MacGyver. L’acteur est surtout remarquable d’optimisme, source d’humour. Matt Damon est définitivement une tronche de cinéma et il rend ici un fier service à un metteur en scène qui aura vendu sa personnalité le temps de pondre un succès s’adressant à tous. L’un dans l’autre, il semble que tout le monde en sorte gagnant, Scott, les producteurs, les acteurs et nous autres, public. 13/20