Du rêve, c'est ce que vend ce documentaire.
Voir autant de personnes passionnées parler du plus grand projet cinématographique jamais organisé, ça fait rêver.
Voir Alejandro Jodorowsy nous raconter avec tellement d'entrain et de bonne humeur son histoire complètement dingue, ça fait encore plus rêver.
Ah, ça ! Il n'y a pas à dire : Jodorowsky's Dune s'adresse à tous les amoureux du cinéma, de près ou de loin, mais surtout à ceux qui ont cette germe artistique qui sommeille au fond d'eux et qui ne demande qu'à se réveiller.
Moi, personnellement, je me suis senti comme un gamin quand j'ai regardé ce documentaire. Pas péjorativement - ça non ! - mais je vois à travers ce cher Alejandro une passion et une imagination sans limite, et ça m'a rappelé une époque antérieure où le jeune Aphelion s'amusait avec ses jouets pour faire des histoires incroyables dans sa tête dont il était le seul à pouvoir comprendre.
Car nous nous sommes tous vus fantasmer sur nos années innocentes où notre insouciance faisait notre magie, où on se sentait capable de croire en tout, et surtout en nos rêves les plus fous.
Et Jodo (j'utilise le petit nom que ses collègues lui donnent), quand on l'entend parler de cinéma, de ses projets, et donc de son adaptation avortée de Dune.
Il n'en parle jamais avec regret, avec déception, non. Il en parle comme si c'était la plus belle chose de sa vie. Là où chez ses anciens guerriers spirituels comme Michel Seydoux l'aventure est narrée avec amertume telle une histoire tragique, le Jodo lui il se lève de sa chaise et il nous raconte le film comme s'il avait réellement existé, avec des yeux emplis de passion, d'énergie (à 84 ans tout de même, le bougre se conserve bien !), comme nous quand on faisait nos histoires avec 3 pauvres pièces de Lego. Jodo est un rêveur qui avait des ambitions plein la tête et dont il a essayé du mieux qu'il peut, en donnant tout de lui-même pour y aboutir.
Ça ne m'étonne même pas que Jodo se soit tourné dès ses débuts dans le cinéma expérimental. Quand une personnalité aussi exubérante prend une caméra elle doit s'exprimer à sa manière. C'est ce qui aura valu l'échec de Dune, mais c'est surtout ce qui aura donné la légende autour de cet échec, et la légende autour de ce réalisateur. C'est beau de voir quelqu'un autant croire en soi, quelqu'un avec autant de conviction et de passion, quelqu'un qui a choppé une caméra car il adore les films et qu'il voulait y apporter quelque chose de nouveau, et cette nouveauté il l'a apportée ! El Topo, La Montagne Sacrée, ils ont marqué le cinéma ces films, et quelque part c'est bien son projet Dune jamais abouti qui a le plus changé la face du Septième Art, et pour Jodo c'est ce qui en fait malgré tout sa réussite. Si on veut faire quelque chose on peut se donner les moyens de le faire. Si on veut faire une œuvre qui va complètement changer son art, on n'a qu'à la faire. Et si ça rate, qu'importe. Oui, on ressort frustrés de Jodorowsky's Dune car on ne verra jamais ce chef-d'œuvre sur nos écrans. Mais on en ressort plus comblés que jamais, et plus que jamais dorénavant j'ai envie de prendre une caméra et faire des trucs que je veux faire, comme un gosse qui s'amuse avec son jouet, je veux être honnête et mettre en forme ce qui sommeille en moi depuis toujours, je le sens, et cette flamme brille dans mon for intérieur.
Je me sentirais presque coupable de mettre "seulement" 4 étoiles à ce documentaire vu qu'il m'a fait vibrer comme jamais. Parce que osons se l'avouer, si le propos est passionnant et d'une justesse folle, la forme est quant à elle beaucoup moins travaillée et beaucoup trop classique pour un documentaire. Bien sûr on a ces extraits de storyboard animés qui nous font presque vivre le film, mais les cadres sont la plupart du temps vides d'originalité, et on aurait gagné à avoir à mon goût plus d'extravagances (enfin zut quoi, on parle d'Alejandro Jodorowsky !). C'est dommage d'avoir si peu d'inventivité quand on raconte une histoire aussi passionnante.
Mais dans la finalité l'expérience reste la même. Je ne suis pas vraiment frustré de ne pas pouvoir regarder l'adaptation de Jodorowsky de l'œuvre de Frank Herbert, vu que je l'ai presque vécu, et le réalisateur en parle avec tellement de plaisir que je ne peux être qu'heureux pour lui.
Je suis un rêveur. J'aime rêver d'ambition, j'aime écrire des idées par ci par là, j'ai été le public cible de ce documentaire. Il a tellement fait appel à la fibre artistique de chacun que j'en suis ressorti profondément apaisé, parce que je me suis senti enfin compris.
Je n'ai jamais vu de films de Jodorowsky. J'en verrai, c'est certain, je ne sais même pas si je vais accrocher ou non. Mais pour partager sa vision de l'art, ce monsieur a gagné tout mon respect et toute mon admiration. Merci, vraiment, merci Jodo d'avoir tant apporté. Merci d'avoir pris les plus gros risques et d'avoir prouvé à tout le monde qu'on a le droit d'échouer, et qu'on a le devoir d'essayer. Merci d'avoir essayé. Que dis-je : merci d'avoir rêvé !