Malgré ce que laisse entendre son pitch, Blue Ruin va bien au-delà du simple film de vengeance en reposant essentiellement sur les épaules d'un homme chargé d'une vaste palette d'émotions, qui le rendent tellement proche de ce qu'on peut imaginer de la réalité dans pareille situation. Cet homme, - incarné par un acteur de grand talent, d'ailleurs -, dont on devine qu'il s'est vu ravagé par un terrible évènement familial quelques années plus tôt change peu à peu de visage pour incarner tour à tour différents rôles toujours renforcés, voire carrément définis par résonance, par les personnages secondaires. On ne peut donc que se prendre de compassion pour le personnage principal, qui sort de sa bulle soit disant protectrice pour doucement donner libre cours à son désir le plus ardent. Mais, là n'est finalement pas le coeur de l'histoire puisque cet acte pivot ne se situe non pas au terme du film comme une sanglante apothéose, une finalité en elle-même, mais vers le début, comme pour signifier la renaissance d'un homme, qui quitte son repli pour s'insérer en société de nouveau. C'est à partir de là que le film prend tout son intérêt, lorsque cet homme doit réapprendre à échanger, expliquer, justifier et défendre ses choix, bref, à redevenir un homme, dans le sens d'un être doué de pensée et de la capacité à opérer des choix en conséquence et non plus un simple réceptacle à émotions, aussi vives soient-elles. Les deux points forts de ce film sont d'abord le scénario, qui réinterprète le genre pour l'enrichir d'une dimension rationnelle à travers tout ce qu'incarne la sœur du personnage principal et, par là, sociale, puis le jeu de rôle de Macon Blair dont les multiples facettes font toute la richesse. Ces deux dimensions se rejoignent dans leur sobriété commune, qui est à mon sens la clef de voute de ce film et le meilleur ton que Jeremy Saulnier pouvait lui donner.