Une histoire très russe, dans le bon sens du terme, où s'affirment une énorme distanciation avec des personnages proches et leurs vicissitudes, pour en faire ressortir un aspect moral dualiste et intense. J'avoue qu'à première vue, le pitch de l'accident mortel à maquiller est juste un peu original par son exotisme slave, que les atermoiements de conscience du personnage principal relancent une intrigue comme pour la sauver du néant, et que la fin semble s'essorer en eau de boudin... La tentation de la déception nous guette au retour à l'air libre, ampoules rallumées... Puis, quelques aspects tordues du scénario m'ont titillés les neurones, vers dans une pomme, pour révéler la beauté de "The Major", qui est un film alors un peu à mériter, mais qui laisse sa belle lumière percer dans l'océan ténébreux du 7ème art. C'est sec mais prenant : outre le climat de corruption financière parfaitement restitué, pas de très haut niveau en plus, à l'échelle d'un commissariat municipal, car rendant crédible que des gens cupides, plus liés par l'omerta que par la discipline professionnelle, malgré leurs maigres relations sociales en terme de qualité, en arrivent au meurtre, le combat moral que se livre le personnage principal avec lui-même, et contre son seul et unique ami, menant également ce-dernier jusqu'au doute (pas longtemps), n'est pas le combat du bien contre le mal, mais le combat inharmonieux et fatal qui se livre à l'intérieur du mal, et qui fait qu'il est le mal, ne sait pas qu'il est le mal. C'est cette émotion froide et intense qui fait que "The major" retombe sur ses pattes, façon kung-fu, après avoir tout niqué. La mère du gosse tué au début, incarne le seul vrai bien, le bien "normal", au milieu du mal banal, et ça ne lui servira strictement à rien... Le personnage principal, banni, ostracisé pour avoir écouté son cœur une seconde, poursuivant benoîtement sa crise de conscience ne sera qu'un autre échelon du mal, dans un univers sans bien, mais, sans cesse défini par lui, la fonction essentielle du bien étant de définir la ligne morale avec le mal. Comme un monde sans la présence de Dieu, mais avec son existence partout en tant que créateur. Film mystique, religieux, au final, sur l'abandon de la grâce, The Major mérite d'y frotter ses mirettes malgré l'air piquant. C'est de saison.