La réalisatrice, Mitra Farahani, explique comment s'est construit le film, dont l'idée la taraudait depuis un certain temps : "L’obsession de faire un film sur Bahman Mohassess m’habitait depuis longtemps. J’ai toujours été attentive au paradoxe saisissant entre son poids dans l’histoire et son isolement (...) volontaire. Je me suis donc rendue à Rome et ce qui devait être un week-end de négociations s’est prolongé en un séjour de 2 mois. Mon obsession personnelle était celle de tendre avec lui vers l’instant ultime de la création. Mais progressivement, son obsession à lui, de trouver une occasion appropriée pour “quitter la scène” devint toute aussi importante", commente-t-elle. On rappelle que l'artiste au centre de ce récit est décédé en 2010.
Avec Fifi hurle de joie, portrait d'un artiste iranien, la réalisatrice Mitra Farahani signe un film dans la continuité de son oeuvre, qui interroge les figures de la modernité iranienne. C'était le cas avec ses précédents films, comme Juste une femme (2001) ou Behjat Sadr : le temps suspendu (2006). A noter : la cinéaste de Fifi hurle de joie est également peintre.
Bahman Mohassess est né en 1931 en Iran. Il a étudié les Beaux arts à Rome et a très vite été reconnu comme un artiste moderne majeur dont on a salué la puissance créatrice dans les plus grandes expositions d'art contemporain. Au début des années 1970, il s'est définitivement installé à Rome, s'isolant volontairement, disparaissant presque, happé par l'Histoire dont il pensait être un acteur important. Fifi hurle de joie retrace les derniers mois de sa vie et l'obsession dont il a fait montre dans sa quête ultime : réaliser son dernier chef-d'oeuvre.
Fifi hule de joie est comme une mise en abime : il traite d'une oeuvre dans l'oeuvre, de l'élaboration d'un film par sa réalisatrice, Mitra Farahani, au travers de l'élaboration de la "performance finale" d'un artiste, peintre et sculpteur atypique, Bahman Mohassess.
Lorsqu'il a quitté Téhéran pour la dernière fois, avant de vivre à Rome, Bahman Mohassess a détruit la quasi-intégralité de ses oeuvres. "J’ai consciemment détruit mes oeuvres qui étaient devenues inutiles et je ne laisserai rien aux nécrophiles. Après tout, que peut encore signifier la peinture dans un monde au ciel sans oiseaux, à la mer sans poissons et au bois sans bêtes ?", écrivait l'artiste.
Le documentaire Fifi hurle de joie a été présenté au Festival international de films documentaires Cinéma du Réel, où il a obtenu le prix international de la SCAM (la Société civile des auteurs multimédia). Il a également été projeté parmi la sélection Panorama, lors de la Berlinale 2013.