Serge Toubiana, dans une courte analyse du film, explique que Journal d'un montage n'a rien à voir avec le making-of du film Adultère mode d'emploi : il n'emprunte pas quelques plans au tournage et n'interroge pas les acteurs à leur sortie du plateau. Il précise alors que le film est plus riche que cela, et plus original puisqu'il s'agit de "suivre un film en cours de montage, dans ce moment d’écriture très particulier où le film trouve lentement sa forme et son rythme, sa musique, se discute et sort des limbes", selon ses propres dires. Toute une aventure en huis-clos donc, sur la construction finale de ce qui sera, à la sortie de la salle de montage, à proprement parlé, un film.
Après avoir été assistante de montage pour Adultère, mode d'emploi, Annette Dutertre souhaite réaliser, avec la stagiaire de l'époque Sylvie Ballyot un making-of du montage : "On a dû convaincre Jacques et Christine. On avait mis un panneau écrit à la craie derrière eux « on est d’accord pour être filmés »." C'est avec une caméra vidéo Hi8, qui avait servi pendant le tournage, qu'elles filment le quotidien de cette salle de montage, les discussions, les amis de passage, sur plus de 25 heures de bandes vidéo. C'est le suicide de la réalisatrice Christine Pascal en 1996 qui mit le projet au placard, pendant près de 13 ans, avant que Jacques Comets ne le ressorte des cartons et qu'il soit décidé d'en faire un long-métrage.
Adultère, mode d'emploi fut monté dans une petite salle de montage à Joinville, constamment remplie du travail et des bavardages des quatre principaux ouvriers du film : la cinéaste Christine Pascal, qui disait préférer de loin l'écriture et le montage au tournage de ses films, Jacques Comets, qui a monté quatre des cinq films de la réalisatrice (dont La Garce, avec Isabelle Huppert), Sylvie Ballyot et Annette Dutertre. Dans Journal d'un montage, on les retrouve devant mais aussi derrière la caméra pour Dutertre et Comets, respectivement réalisatrice-monteuse et producteur du film.
Journal d'un montage propose une vision de ce qu'était le travail en salle de montage avant le passage au numérique, lorsqu'Internet n'était pas omniprésent et que le téléphone portable n'était pas un objet usuel. "Dans cette salle, il y a des gens au travail et l’on perçoit quelque chose de l’ordre des étapes de la création artistique en train de se faire, à travers la réflexion, les discussions", explique la réalisatrice Annette Dutertre. En tant que monteuse, elle a connu le passage au numérique et regrette quelque peu cette convivialité qu'il y avait entre les monteurs pellicule, car aujourd'hui, le montage est souvent réalisé par une seule et même personne. Mais elle y voit aussi un avantage : "Le luxe, c’est le temps, prendre le temps d’amener le film à son meilleur".
La construction d'un film en salle de montage, à cette époque (1994-1995) permettait aux gens de circuler, on passait se voir, se saluer, car Joinville était un grand lieu de post-production. C'est ainsi qu'on croise quelques noms connus dans Journal d'un montage, parfois issus d'Adultère, mode d'emploi, parfois totalement extérieurs au film, présents en tant qu'amis. Tonie Marshall, autre femme cinéaste des années 90, rend notamment visite à Jacques Comets, qui a monté certains de ses films comme Pas très catholique (1993). On retrouve aussi le monteur son Olivier Ducastel, qui embaucha le premier Annette Dutertre sur un film monté par Sabine Mamou et qui retravailla avec elle sur Silence...on tourne, de Youssef Chahine, ainsi que Robert Doner, le mari et producteur de Christine Pascal.
Journal d'un montage est aussi un hommage commémoratif à la réalisatrice Christine Pascal, qui a eu juste le temps de voir son film Adultère, mode d'emploi, sortir en juillet 1995, avant de sauter par la fenêtre et mettre ainsi fin à ses jours en août 1996. "Quand j’ai dérushé, le premier choc a été de revoir Christine, si joyeuse, si vivante..." confie Annette Dutertre, qui s'attaqua aux rushes et au montage de Journal d'un montage de façon épisodique, sur plus de sept années, entre 2006 et 2013. "Le temps que ça a pris, c’est aussi un travail de deuil je pense, à faire autour du film. Le deuil de Christine bien sûr, mais peut être aussi celui d’une époque de travail, celle de la pellicule, du 35mm",précise la réalisatrice, heureuse malgré tout de pouvoir faire connaître Christine Pascal aux nouvelles générations et de la faire renaître une ultime fois le temps d'un film.
Monteuse avant toute chose, Annette Dutertre ne se voit pas réalisatrice dans l'âme, mais se plairait à filmer de nouveau la genèse d'un film comme Les Salauds, de Claire Denis, qu'elle monta en 2013. "J’aimerais par exemple suivre un jour la préparation d’un film avec un réalisateur ou bien filmer un producteur dans son travail. J’adorerais en refaire un ou deux, comme ça en prenant tout mon temps, en toute liberté". Elle a par ailleurs monté en 2013 un film des frères Larrieu, L'Amour est un crime parfait, ainsi que la dernière réalisation d'Anne Fontaine, Gemma Bovery.