Ne vous attendez pas à un film léché comme le savent faire les grosses maisons de production, pourtant avec son modeste budget de 50 000€ et ses 10 000 spectateurs en 2 mois sur la Bretagne, bien des réalisateurs financés à souhait pourraient tout de même envier ce long métrage. Et ce d’autant plus que l’étrange réalisateur ne se contente pas de nous donner une leçon de vie, non, il a véritablement vécu lors du tournage l’utopie à laquelle il nous invite. Avec pas moins de 500 bénévoles qui ont participé de près ou de loin à l’œuvre, l’on peut qualifier Robert Coudray de chef d’orchestre de la coopération.
Robert Coudray, plus connu dans notre Pays sous le nom de « Poète ferrailleur de Lizio », nous invite à le suivre sur un chemin de vie initiatique qui trouve toute sa place au grand écran.
Son personnage principal Fred, interprété avec beaucoup de sensibilité par l’acteur du cru, Laurent Voiturin, vient déposer sa vie à nos pieds comme pour mieux refléter notre « humanité » moderne, pleine d’ambition, de puissance… et si fragile en somme. Fragilité ! Voilà certainement le maître mot de ce chemin d’utopie qui nous entraîne si l’on y consent à la joie par les rudes sentiers bordés de souffrance ! Fragilité de notre confort actuel qui repose uniquement sur des ressources naturelles épuisables dont les limites sont repoussées à grand renfort d’innovations techniques mais qui n’offriront au final que ce qu’elles ont et rien de plus. Il est temps d’en prendre conscience, nous susurre Robert à l’oreille, parce que lorsqu’il n’y aura plus de cailloux à grignoter, lorsque tous les barils de pétrole seront épuisés, lorsque plus d’uranium nous n’aurons et que la technique se sera essoufflée… s’il ne nous reste un brin d’humanité, un soupçon d’amour, un Souffle de Vie en somme… nous serons alors bien tristes.
Oui à l’image de Fred Guerouët, en route vers ses racines familiales si longtemps reniées, nous pourrions, nous aussi, nous sentir bien loin de nos racines, loin de la terre à cultiver, loin de l’essentiel à partager, pris que nous sommes dans les tumultes du quotidien et de la « vie en société » avec sa cohorte de palliatifs addictifs. Car au-delà du message humaniste, de l’alerte écologique qui offre ici une bonne trame au film encore qu’assez discrète, le poète se fait psychologue en nous conviant avec tact, sans nullement nous y obliger, à un voyage plus intérieur sur le sens même de notre existence, sur la valeur de nos engagements, de nos habitudes de rire des uns et des autres, de juger et de parler pour ne rien dire… sur tous ces petits riens qui font parfois tant souffrir. Qu’il est bon de voir qu’au contraire, un coup d’épaule bien administré, qu’une porte délicatement entrouverte, qu’un petit rien offert avec dignité peut relever un homme, lui rendre l’espérance et la force de se rebâtir à l’image de cette magnifique bâtisse, véritable château de l’âme. Robert en arrive alors à nous entrouvrir ses dimensions mystiques mais là encore, nul n’est obligé de le suivre car l’homme n’est Homme que s’il est libre, libre de déployer ses ailes ! Et si, vous aussi, vos ailes ont été comme coupées ou blessées, si vous peinez à l’envol et que, verser quelques larmes puisées aux tréfonds votre être ne vous semble pas un trop grand sacrifice pour avancer, vous n’êtes pas seulement prêt à voir ce film mais vous y êtes véritablement invité. Sans doute y rencontrerez-vous, entrouvrant votre carapace, un être simple et pourtant plein de force qui saura vous toucher, là où vous n’oseriez peut-être pas aller seul.