Je l'avoue: je n'avais jamais vu de film de Tony Gatlif. Pourquoi? Je n'en sais rien. Pas d'attrait particulier pour le monde gitan peut être? Ce n'est pas une raison suffisante. Bon, c'est réparé: j'ai été voir Geronimo!! Et je n'ai pas été déçue. Ca vaut le voyage. Ce n'est pas du très grand cinéma ni une œuvre inoubliable, mais par sa vitalité, son énergie et son originalité, c'est à voir.
C'est West Side Story du côté de Fos sur Mer. Là, coexistent une communauté turque et une communauté gitane. Une éducatrice de quartier, une catalane d'origine, que tout le monde appelle Geronimo veille avec beaucoup de passion sur les enfants des uns et des autres -les uns et les autres toujours prêts à déraper....
Jusqu'au jour où un beau gitan, Lucky, (David Murgia) enlève une ravissante turque de seize ans, Nil, (Nailia Harzoune) , et pas n'importe quand: le jour de son mariage avec un vieux turc dont, évidemment, elle ne veut pas. Il l'enlève sur sa moto, dans sa robe toute bouillonnante de tulle (cette communauté turque là, manifestement, n'est pas encore passée au voile et au niqab.....). Des images qui font irrésistiblement penser à Emir Kusturica (beaucoup de choses rapprochent manifestement les univers de ces deux cinéastes).
Pour les gitans, ça présage des embrouilles. Pour les turcs, effectivement, c'est une insulte qui ne peut que se laver dans le sang. Nil a plusieurs frères, qui ne réagissent pas tous de la même façon; si l'un est prêt à la protéger, parce qu'il pense que rien de bon ne peut sortir d'un mariage arrangé, le plus enragé, Fazil (Rachid Yous), pense que la mort de la sœur indigne est la seule façon de laver l'honneur de la famille. Geronimo, omniprésente, essaye de raisonner les uns et les autres, de mettre à l'abri les amoureux fugitifs -se rend donc insupportable pour le clan turc.
Il y a beaucoup de musique, une rythmique exacerbée, beaucoup de flamencos, beaucoup de danses; des affrontements en hip hop qui se terminent en affrontements au couteau. Ils y a des scènes magiques, comme celle où Nil s'enfuit, poursuivie par Geronimo, dans sa robe de mariée qui commence à être arrachée de partout, au milieu d'un immense champ d'herbes de la pampa plus grandes qu'elle, petite Alice dans un pays pas si merveilleux. Il y a des décors spectaculaires, comme cette usine désaffectée où se dérouleront les scènes finales, aux murs entièrement taggués. Et c'est bien là que le bât blesse: Gatlif privilégie le spectaculaire, le décoratif, les effets à la véracité et à la cohérence de son récit.
Céline Sallette, tout le monde l'a dit, est formidable. J'ai cependant un petit reproche à faire: elle n'a pas l'âge du rôle. Comment imaginer qu'elle a emmené à la plage ou au cirque ces gaillards? Une actrice plus marquée par la vie eût été plus plausible. A noter qu'on a le plaisir de voir passer l'excellent Sergui Lopez dans un rôle secondaire.
A voir, donc, pour se changer d'univers.