Comment dire? J'ai d'abord éprouvé que les échanges sonnaient faux, que les dialogues me semblaient factices, sans consistance, sans profondeur. Et puis, j'ai pensé à West side story lors des battles musicales et je me suis dit que peut-être sans dialogues, ça aurait été mieux. En fait, j'éprouvais la même colère que lorsque j'ai vu "Mange tes morts", enfin plus exactement je me rappelais de ma révolte face à cet autre film. Mais ici, Tony Gatlif nous propose un regard critique sur ces traditions ancestrales absurdes et dépassées, qui font qu'une union serait surdéterminée indépendamment des sentiments des promis et que d'autre part, il y aurait des clans familiaux, qui auraient à laver, à défendre et venger leur honneur, quitte à tuer. Cette atmosphère de lutte permanente, de jouxtes stériles où les adversaires font les coqs, me déplait profondément. La démocratie, pour moi, c'est le moindre des maux. Tout ce qui la met en péril me semble un dispositif potentiellement fascisant. Je hais les dictatures, qu'elles soient conduites par un tyran ou orchestrées par un collectif. A part ça, il y a ces scènes de flamenco magnifiques, ainsi que ces espaces désertifiées, en voie d'abandon, investis par ceux, qui vivent en marge. Tout cela est filmé avec talent. L'éducatrice doit sa survie psychique à ceux qu'elle tente de sauver, c'est sa raison de vivre, elle se situe sur le versant de la résilience ; elle connait les codes et s'avance vers ceux qu'elle veut soutenir ou protéger, souvent en leur criant "regarde moi, ne me quitte pas des yeux" comme si c'était en luttant pour mettre son interlocuteur dans le lien, dans le lien vivant, dans la relation et pas enfermé dans une logique punitive ou vengeresque, qu'elle pouvait agir...