On attendait ce combat depuis deux ans, déjà. Et il nous est parvenu, avec ses trompettes de publicité, son affiche impériale et ses bandes-annonces explosives. Batman contre Superman, donc, c’est le plus parfait exemple de comment réinventer des personnages en les noyant. Plus sombre, plus réaliste, mastodonte d’effets visuels, le préquel de Justice League ne convainc pas…
Depuis Man of Steel, c’est Zack Snyder qui est aux manettes, réalisateur fougueux pas très subtil, qui pense que faire exploser une ville sans vraies raisons constitue un bon film. C’est précisément ce que l’on ressent durant le visionnage, malgré les efforts mis en place pour reconsidérer deux figures pop avec plus de sérieux, et les placer dans le round du pouvoir, en proclamant des dialogues pompeux sur sa légitimité, tandis que Lex Luthor (Jesse Eisenberg détronché mais crédible en personnage-double) récite des prophéties bibliques à propos de la confrontation. Cette dernière, parlons-en : sur quoi est-elle fondée ? Sur une différence d’interprétation du mot « justice » ? Sur le fait que Superman est controversé dans une société (la nôtre ?) gagnée par la peur et qui se rend compte que son héros n’est pas le messie ? Batman, de son côté, fait des vilains coups qui font parler de lui au Daily Planet, et se frotte à lui-même, en cauchemar d’abord, puis par des entretiens avec Alfred (Jeremy Irons, assez attachant)… Les deux protagonistes sont un peu plus humains, avec des regrets, des impuissances, qui font voler en éclats leur héroïsme. Ainsi la figure du sauveur n’est qu’un rêve fabriqué par une humanité en manque de repère, d’égalité… Cette tournure scénaristique est quand même bien menée, le point noir étant la manière dont le réalisateur s’en sert comme prétexte à un duel titanesque.
Les acteurs font vivre leurs personnages (Ben Affleck en tête), mais ce dans quoi ils évoluent les décrédibilisent. Jamais une lutte idéologique n’avait paru si artificielle : ça explose de partout, l’innocence traquée par les héros s’effondre en même temps que les gratte-ciels ! Scènes d’action à la Michael Bay qui ne servent en rien l’histoire, le meilleur étant les chorégraphies des combats à mains nues, parfaitement filmées mais relayées au second plan. Tout est trop grand dans Batman vs Superman : les explosions, les ambitions, les déceptions aussi... Bien que Snyder ait un véritable talent, ses plans étant souvent esthétiques, sa cadence bien ficelée, c’est sur la représentation de sa vision qu’il butte. On sent qu’il la défend, la développe, sans lui donner de véritables enjeux, ni tension dramatique. A la place, on a des séquences atomiques très tendues qui nous abasourdissent… Où est passé Christopher Nolan ?
Il y a des partis pris intéressants – comme celui de désacraliser et de culpabiliser les détenteurs du pouvoir – comme d’autres qu’on digère mal. Batman entame une quête de rédemption, il veut protéger la planète, alors pourquoi tue-t-il ses ennemis ? Sa justice devient ici plus aveugle que celle de Daredevil (sans mauvais jeu de mots). Flingues, poignards, il se donne tous les moyens pour « tuer Dieu » (dixit Lex). Il en devient cruel, passe d’un justicier à un égoïste, faisant du crime une affaire personnelle. Pas de soucis, Superman aussi. Seule Wonder Woman est moralement propre : en même temps, elle est si peu présente !
On l’a bien compris, le deuxième film DC pondu par Snyder ne fait pas l’unanimité. Le développement psychologique mis à la marge au profit d’une artillerie grandiloquente de métaphores mythologiques et de spectacle pyromane n’était pas la bonne solution. En fait, Batman vs Superman, nous assomme! Pas assez léger, pas assez dosé, on prend peur quand à l’idée d’une Justice League réalisée sur le même ton. On n’y trouve pas notre compte, c’est vrai, il n’empêche que c’est un film de superhéros divertissant, avec son lot de scènes immersives et pompeuses. « Le plus grand combat de gladiateurs. »