Nul doute, 2016 est l’année de la castagne entre super-héros au cinéma et, avant Captain America : Civil War (soit #teamcaptainamerica vs #teamironman), Batman v Superman ouvre le bal. Triple enjeu : être une suite à Man of Steel, inaugurer pour Warner/DC Comics leur franchise où les futurs films Wonder Woman, Aquaman et compagnie tisseraient un univers croisé façon Marvel, offrir le duel du siècle entre les deux icônes du genre, le boy scout bleu blanc rouge et le Chevalier Noir. En un sens, avant même le générique, Batman a déjà gagné. Son humeur dark et maussade, hérité des comics et des version Burton/Nolan, hantait Man of Steel et son Superman en crise d’identité divine, se demandant quelle place avoir en ce bas monde. Batman begins ici, spectateur et contrechamp impuissant du final de Man of Steel, où Superman rasait le centre-ville de Metropolis sans trop penser aux dommages collatéraux, rejoué cette fois du point de vue des passants sur lesquels tombent des buildings. Zack Snyder digère les reproches faits à Man of Steel (Où sont les morts ? Qui va payer l’addition ?) dans une première partie qui débat des conséquences de la présence sur terre du kryptonien. Même ses scènes de destruction massive sont plus “responsables”, plus lisibles et confinées.
“En démocratie, on se parle”, énonce une sénatrice (Holly Hunter). Dieu ? Diable ? Superman peut-il faire justice lui-même ? Zack Snyder n’étant pas très fin (chez lui, appuyer la métaphore de la chute revient à faire tout tomber à l’écran, enfant, femme, bijoux et à répéter au cas où on n’avait pas compris), le débat promis tourne fissa au dialogue de sourds et puis il faut bien une raison pour que Batman veuille affronter Superman. Le scénario l’amène très mal, comme chez deux enfants qui se cognent et cassent tout à la cour de récré sur un malentendu. Au cas où, on rajoute des visions et des rêves pour motiver les personnages — cela marche bien dans la Bible. Batman v Superman évoque un recueil de mythes aux illustrations assez réussies mais au texte plutôt lourd. Sérieux comme un pape là où Marvel opte pour un ton plus pop. Après tout, pourquoi pas, il faut bien se distinguer de la concurrence et les héros DC justifient l’approche en vrais héritiers de la mythologie grecque. Snyder s’en tire donc bien quand il s’agit de panthéoniser ses héros, autant sur le champ de bataille que lorsqu’ils sont au centre de messes (Superman face à ses fans mexicains transis, grimés en squelettes pour le Jour des Morts).
Batman v Superman doit forcément faire match nul (là encore, la façon dont Snyder tranche est très grossière), retenir ses coups et nous laisser sur notre faim pour qu’ils fassent équipe prochainement. Reste le match des acteurs. C’est aussi du sur place, avec le méchant Jesse Eisenberg, coincé en Mark Zuckerberg 1.5 de The Social Network (upgrade limité donc), ou Henry Cavill, qui rejoue son Superman un peu dédaigneux pour cacher timidité et insécurité (tandis que les origines fermières du personnage sont souvent contredites par les airs snobs de Cavill, un anglais parmi les américains). Ben Affleck en Batman badass, plus catcheur que le ninja Christian Bale, est bon sans faire oublier ses prédécesseurs. Mais la stupidité du personnage, censé être le meilleur détective du monde, émousse un peu notre note. La surprise vient donc de Gal Gadot en Wonder Woman, qui intrigue en à peine quelques scènes. Certes, son entrée est aussi subtile qu’un calendrier Pirelli (avec le thème musical idoine, pour sonnerie de portable de chauffeur poids lourds), mais son imagerie guerrière esquisse un peu d’espoir pour les super-héroïnes, parentes pauvres du genre du cinéma.