A l'instar d'Un Chien andalou (1928) et de L'Âge d'or (1930), le titre du Charme discret de la bourgeoisie se construit sur une improbable association de mots discordants. Cela participe, selon les termes de Luis Buñuel, d'une démarche surréaliste.
Ce n'est pas la première ni la dernière fois que Luis Buñuel écrit un scénario conjointement avec Jean-Claude Carrière. Au moment de plancher sur celui du Charme Discret de la Bourgeoisie, les deux hommes se connaissent depuis de longues années. Le Journal d'une femme de chambre (1964) marque leur première association, suivie de Belle de Jour (1966) et La Voie lactée (1969). Après Le Charme discret..., ils retravailleront ensemble sur le scénario du Le Fantôme de la liberté (1974) et de Cet obscur objet du désir (1977). Leur complicité aura duré 19 ans et se termine avec la mort de Buñuel. Notons que Carrière participa à la rédaction de scénarii pour La Femme aux bottes rouges (1974) et de Leonor (1975), réalisé par un certain Juan Luis Buñuel. Qui n'est autre que le fils de Luis.
Le scénario du film a nécessité une longue préparation pour Luis Buñuel et Jean-Claude Carrière. Pas moins de cinq versions différentes ont même été écrites.
Luis Buñuel a introduit une de ses recettes personnelles dans le scénario du Charme discret de la bourgeoisie. En effet, y est expliqué avec minutie la préparation d'un dry-martini fait maison.
La première séquence du Charme discret de la bourgeoisie reprend une situation qu'a véritablement vécu Serge Silberman, le producteur du film. En effet, un beau jour, ce dernier avait décidé d'organiser un banquet dans son appartement sans même prévenir sa femme. Le soir du dîner, il avait même oublié de rentrer chez lui, posant involontairement un lapin à ses invités.
Ce n'est ni la première ni la dernière fois que Luis Buñuel centre son intrigue autour d'un banquet qui réunit différents protagonistes. C'était déjà le cas dans Viridiana (1961) et L'Ange exterminateur (1962), ce le sera également par la suite dans le Fantôme de la liberté (1974).
Au moment de la préparation du film, Luis Buñuel a été sollicité pour diriger un remake de La Chienne, le célèbre film de Jean Renoir avec Michel Simon. Le cinéaste a préféré délaisser ce projet pour se concentrer sur Le Charme discret de la bourgeoisie. Néanmoins, sur le tournage, le cinéaste espagnol réutilisera la technique de Renoir qui consiste à limiter au maximum le nombre de plans pour l'ensemble du film.
Durant la réalisation du Charme discret de la bourgeoisie, Luis Buñuel souffrait d'arthrose, ce qui l'a obligé à avoir recours pour la première fois à un moniteur. Ainsi, il pouvait rester assis et se ménager physiquement tout en continuant à diriger son équipe et à observer les prises de vue.
Le décor d'une chambre dans le film est en fait une reproduction à l'identique de celle des parents de Luis Buñuel. Le cinéaste affirme qu'il s'agit là d'un souvenir personnel inconscient.
Le Charme discret de la bourgeoisie marque la cinquième collaboration entre Luis Buñuel et Michel Piccoli, après La Mort en ce jardin (1956), Le Journal d'une femme de chambre (1964), Belle de Jour (1966) et La Voie lactée (1969).
Fidèle à son esthétique surréaliste, Luis Buñuel ne cesse d'explorer les puissances du rêve et de l'imagination. Depuis Un Chien andalou (1928), le cinéaste élabore des univers aux frontières du réel et de l'onirique, de façon à ce que le spectateur ne sache plus dans quelle dimension il se situe. Le récit logique et la causalité naturelle s'en trouvent désorganisés. "Le cinéma est la meilleure arme pour exprimer le monde des songes, des émotions, de l'instinct", disait-il. Une maxime qui sonne comme une véritable profession de foi.
Le Charme Discret de la Bourgeoisie a décroché l'Oscar du Meilleur Film Étranger en 1972. Quelques semaines avant la cérémonie, le cinéaste avait affirmé, sur le ton de la plaisanterie, avoir payé 25 000 dollars pour qu'on lui attribue cette récompense. De fausses rumeurs ont alors circulé, accusant Luis Buñuel d'avoir réellement versé des pots-de-vin aux Américains pour obtenir la statuette dorée.