La Question raciale étant redevenue un de leurs thèmes de prédilection (et 4 ans de Trump ne risquent pas d’inverser la tendance ! ), les “Films-Hollywoodiens-qui-Traquent-les-Récompenses� persistent à avoir ceci de particulier qu’ils sont conçus, dans leurs moindres détails, pour émouvoir, indigner et édifier, qu’il s’agisse d’un jury de professionnels ou des spectateurs lambda, tout pareil. On sait donc très bien qu’on se fait avoir et manipuler, et même à quel moment on se fait avoir et manipuler : le tout est simplement de déterminer si on est d’accord pour se faire avoir et manipuler...mais j’ai la chance de vouloir regarder des films sérieux justement pour éprouver ce brelan d’émotions, tout comme je regarde des comédies pour me marrer et des films d’horreur pour flipper (mais là, ça marche beaucoup moins bien). Bref, ‘Les figures de l’ombre� renoue avec le contexte du mémorable et acclamé ‘La couleur des sentiments’, à savoir l’Amérique ségrégationniste des années 60; mais le procédé qui y a cours s’avère sensiblement différent. Certes, il s’agit toujours d’exposer comment, alors que la ségrégation est encore vivace à quelques années seulement de sa suppression dans la Loi, des femmes noires vont acquérir au forceps la visibilité à laquelle elles aspirent et qu’elles méritent...mais Theodore Melfi opte pour une approche moins dramatique, et même un peu plus légère que dans le commun des oeuvres du même genre. Katherine Johnson, Dorothy Vaughan et Mary Jackson sont trois brillantes mathématiciennes de la NASA mais, en raison de leur couleur de peau, elles sont reléguées à des tâches subalternes ou empêchées d’acquérir à l’université les diplômes qui leur font défaut. Contrairement aux servantes de ‘La couleur des sentiments’ qui allaient forcer le changement en témoignant de leur quotidien injuste dans la presse, les trois mathématiciennes vont simplement utiliser le cours des événements à leur avantage : alors que la NASA peine à rattraper l’avance prise par les Soviétiques, elles sauront se rendre indispensables jusqu’à que l’évidence, à savoir que l’agence spatiale ne peut se passer d’aucun des talents disponibles, s’impose à tous. Le réalisateur explore aussi en surface la vie privée de ces femmes, afin de ne pas les essentialiser dans leur rôle de combattantes pour l’égalité même si là aussi, on passe par toutes les étapes traditionnellement prisées par le cinéma américain. Plus intéressants sont les personnages de Kirsten Dunst et Kevin Costner : ni affreux ségrégationnistes convaincus ni progressistes généreux, ils font partie de la masse silencieuse qui s’accommode passivement du système - “s’en fiche complètement� serait une définition plus exacte -, et leur revirement tiendra simplement à la prise de conscience des intérêts qu’ils partagent en commun avec leur personnel de couleur. Très à l’aise dans son rôle de piqûre de rappel d’une Amérique d’autrefois qui réservait son rêve seulement à quelques uns, la seule chose qu’on pourrait finalement reprocher à ces ‘Figures de l’ombre’ est de n’être, dans le créneau des films traitant de la Question raciale aux Etats-unis, pas vraiment plus marquant qu’un autre.