Avec "Imitation game", il avait été grandement intéressant (et instructif) de découvrir un des dessous de la Seconde Guerre Mondiale, redonnant par la même occasion un coup de fouet au thème reposant sur ce conflit déjà largement éprouvé au 7ème art. Eh bien cette fois, ce sont les dessous de la conquête spatiale, qui sont portés à l’écran. C’est avec une stupéfaction amusée que nous suivons le destin hors du commun de ces trois petits bouts de femmes noires, portées brillamment par un trio composé de Taraji P. Henson, Janelle Monáe et Octavia Spencer. Trois copines jusqu’au bout des ongles, malgré le fait qu’elles soient différentes les unes des autres, tant physiquement que psychologiquement. Mais de leurs différences en ressort une complémentarité qui les poussera à conquérir le monde (enfin… façon de parler). A l’instar de leurs personnages, il ressort de ce trio d’actrices une réelle complicité, visible à l’écran et vraiment plaisante à suivre. D’autant plus plaisante quand on voit la force tranquille de Dorothy (Octavia Spencer), les petits cabotinages de Mary Jackson (Janelle Monáe), et la grande sensibilité de Katherine ( Taraji P. Henson) cachée par la course frénétique aux calculs. Face à elles, nous avons un surprenant Kevin Costner en mode ténébreux, peu avenant (pour ne pas dire "pas du tout"), et pourtant torturé pas un cruel dilemme entre le ressenti des capacités de l’une des mathématiciennes et la ségrégation, voire même le "qu’en dira-t-on". C’est d’ailleurs lui qui va provoquer indirectement la scène la plus intense émotionnellement parlant, qu’il clôturera lui-même en personne sans tarder ! Le portrait de ces femmes est dressé avec une grande sobriété : pas d’effet pompeux destiné à tirer quelques larmichettes, ni de moments surfaits. Alors qu’il n’y a absolument pas de scène d’action, ce film est plein d’énergie, collant ainsi parfaitement à la psychologie de ces trois figures de l’ombre, à qui on a parfois prêté des dialogues amusants, doublée d’un sacré sens de la répartie. Au cours des deux heures qu’on ne voit pas passer, Theodore Melfi a réussi la prouesse de signer un film sage, criant de vérité, tant dans ses prises de vue que dans la direction des artistes : un réel exploit alors que ce n’est là que son deuxième long métrage… Quand je vous dis que 2017 semble être une année à jeunes talents (cf mon commentaire à propos de "Patients") ! Car ce n’est pas l’apologie des destins remarquables jalousement tenus au secret qui est faite ici. Non, il a le mérite de remettre les choses à leur vraie place avec une grande humilité, et de rétablir la reconnaissance du travail d’ombre. Cependant ces femmes n’étaient pas seules à se lancer dans des résolutions de problèmes marathoniennes. Après tout, John Glenn (le vrai) a pour ainsi dire recueilli seul les fruits de ce premier vol orbital, avec son nom inscrit pour la postérité. Mais qu’est-ce qu’il a fait pour cette mission, si ce n’est de faire confiance aux mathématiciens, s’assoir dans la capsule, pousser deux ou trois fois les manettes et attendre ? Il est clair que le suspense est inexistant car on sait tous que ce vol orbital va se faire et comment il se finit. Les seules surprises de "Les figures de l’ombre" résident dans la justesse des comédiens (mis à part peut-être Glen Powell qui a donné selon moi un peu trop d’arrogance à son personnage), de la réalisation et du propos, tout cela ponctué par une photographie intéressante, des décors et accessoires nous plongeant sans difficulté dans les années 60, et une musique discrète mais efficace.