Benoit Jacquot a souhaité adapter le roman d’Octave Mirbeau car il y trouvait un écho direct avec le climat sociopolitique actuel. En un sens, le livre lui donnait l’opportunité d’évoquer des questions d’actualité comme l’esclavage salarial, l’antisémitisme ou encore la discrimination sexuelle.
Deux autres films ont été adaptés du même roman d’Octave Mirbeau, un réalisé par Jean Renoir, l’autre par Luis Buñuel. Selon Benoit Jacquot : "Leur point commun est d’être tiré du livre de Mirabeau. À part ça, ils sont si différents qu’il est difficile de les comparer. Ce n’était donc pas insensé d’en proposer un troisième. C’est du moins l’argument que je me suis donné."
A l’instar de nombreux de ses longs métrages, Benoit Jacquot souhaitait à nouveau faire d’une femme le personnage principal de son nouveau film : "Le film me donnait aussi l’occasion de suivre à nouveau un personnage féminin du premier au dernier plan comme je l’ai fait souvent", explique-t-il. C’était aussi une manière d’aborder un sujet qui lui tient à cœur : la discrimination sexuelle.
Le personnage de Joseph, interprété par Vincent Lindon, est violemment antisémite. Benoit Jacquot voulait remonter à l’origine de ce mal et faire écho à l’antisémitisme d’aujourd’hui : "Il remonte tout autant à l’époque de Georges Boulanger, Edouard Drumont et Maurice Barrès et s’est cristallisé au moment de l’affaire Dreyfus qui est à peu près celle où se déroule le film. Les historiens le savent : ce qui s’est passé à ce moment-là a déterminé ce que nous vivons aujourd’hui – la ségrégation de classe, de race, de sexe", déclare le réalisateur.
Journal d’une femme de chambre est construit comme une succession de petites fables. De l’aveu du réalisateur Benoit Jacquot, il s’agit d’un ensemble de petites histoires qui ont chacune leur morale.
Pour une bonne partie du casting, excepté les acteurs principaux Léa Seydoux et Vincent Lindon, Benoit Jacquot a privilégié des comédiens de théâtre peu connus au cinéma : "Il faut jouer constamment avec les limites : ne surtout pas être dans la réserve mais ne pas dépasser non plus la ligne au-delà de laquelle plus rien n’est crédible. Les acteurs formés au théâtre maîtrisent très bien ces techniques."
Benoit Jacquot dirige à nouveau Léa Seydoux trois ans après Les Adieux à la reine. Le cinéaste déclare lui avoir "vraiment confié le film". Pour Vincent Lindon, c’est sa quatrième collaboration avec Benoit Jacquot.
C’est Hélène Zimmer, co-scénariste, qui a fait découvrir à Benoit Jacquot le roman d’Octave Mirbeau. "Elle m’a dit avec autorité que je devais (…) en faire un film. Son ton m’a suffisamment frappé pour que je me lance dans sa lecture et comprenne pourquoi elle m’y poussait. Je lui ai proposé de s’associer à l’écriture", déclare-t-il.
Comme à son habitude quand il réalise un film d’époque, Benoit Jacquot a fait en sorte de rendre Journal d’une femme de chambre le plus moderne possible : "C’est quasiment un principe chez moi : j’essaie de naturaliser une langue qui n’est plus tout à fait la nôtre, la rendre contemporaine ; respecter les tournures de l’époque du film et donner l’impression qu’elles sont d’aujourd’hui. Je travaille de la même façon. sur les costumes qui correspondent précisément à la période représentée, mais sont portés et manipulés comme des vêtements actuels", indique-t-il.
Léa Seydoux décrit son personnage comme "pragmatique, en permanence dans la survie". Selon elle, c’est une femme forte et intelligente qui exploite ses patrons autant qu’elle est exploitée par eux. Au lieu de tomber dans la victimisation, sa condition fait qu’elle s’est vraiment endurcie et désire changer de condition.