Enfermé entre les "Fences" (barrières) d'une maison de classe ouvrière américaine de blacks américains, des années 50, en plein Pittsburgh, Denzel Washington, acteur et réalisateur du film resserre les plans de caméra et porte avec force, le texte d'une pièce de théâtre.
Celle d'August Rush, célèbre auteur des années 80, qui reçut le prix Pulitzer pour cette dernière, en 1987.
Une pièce qui avait tant bouleversé Denzel, qu'il la joua au début du siècle, sur les planches de Broadway avec sa compagne du film, la dès lors, iconoclaste Viola Davis.
Les écueils du théâtre ne sont pas toujours évités ici et le décor peut devenir figé. Tout est en retenue, d'un minimalisme un peu trop grand souvent; il faut dire que la réalisateur n'a véritablement d'yeux que pour l'exacerbation des sentiments de ses protagonistes, mis au premier plan.
Pour ouvrir le film, Denzel va même créer une atmosphère anxiogène déconcertante. Autant le dire, on était pas prêts! Le discours devient presque sourd; néphrétique, il permet pourtant d'appréhender immédiatement toute la grandiloquence du personnage principal, Troy, père de famille qui occupe tout l'espace. Rien de mieux que ce tapage sonore en introduction, pour se familiariser avec ce personnage énigmatique, dense et rester circonspect. On sait dès lors, que l'on va assister à un film éprouvant et que chaque nouvel élément dévoilé sur la vie du dernier sera une nouvelle étape du marathon d'épreuves, auquel on a été convié.
Solidement établi dans le film, le personnage central va alors laisser "le droit" aux autres personnages de s'exprimer: son ami de longue date et surtout, sa famille.
A vrai dire, il est l'origine de tout ici. Les autres acteurs ne semblent avoir le droit à la parole, que parce qu'il les autorise à le faire, du moins dans la grande majorité du film. Fascinant.
Dans cet espace inquiétant, et pourtant non dénué d'amour, les sentiments des acteurs vont jaillir, tels des feux d'artifices. Et le plus spectaculaire restera celui que Viola Davis va lancer, direction: les entrailles du spectateur. Sans le soupçon d'un doute, le portrait de femme que cette dernière compose est le plus vibrant, que l'année cinématographique a donné la possibilité de voir. On reste médusé par sa toute puissance. Ne cherchez plus du tout, l'Oscar du meilleur second rôle féminin est indéniablement pour elle!
La mise en scène, parfois fade, parfois judicieuse et délicate met en valeur ces pointures d'interprétations et laisse les acteurs porter le film, à bout de bras. C'est dans leurs mots et leurs complaintes, que le spectateur est saisi et dans leurs révélations, qu'il va rester abasourdi.
Du profond mal être ou de l'égo des personnages (parfois même chanté), à la révélation "choc" du film, qui vous mettra à terre, le spectateur parvient pourtant, à extirper une lumière, qui se personnifiera en fin de film.
Un film difficile à porter, car lourd de sens, sur la complainte du noir américain et ses rêves brisés.
On en sort, à la fois, sonné et sereinement libre de ces "Fences" et convaincu d'avoir assister, à la plus belle performance d'acteurs de l'année.