La cinéaste Jill Coulon explique pourquoi elle a souhaité s'engager dans la réalisation de ce documentaire : "J’ai toujours été attirée par l’Asie et plus particulièrement par le Japon, sans pouvoir m’en expliquer la raison. Pendant quatre ans, j’ai travaillé auprès de Thomas Balmès sur son film Bébés, sorti en salles en 2010. C’est lors d’un tournage au Japon pour ce film que j’ai rencontré pour la première fois des lutteurs de sumo. J’ai tout de suite été fascinée par ces jeunes hommes qui décident, encore adolescents, de changer radicalement de vie pour devenir lutteurs professionnels (...) J’avais longtemps fait de la photo, je me suis lancée pour la première fois avec une caméra vidéo et suis partie vivre seule là-bas pendant neuf mois, soutenue par Thomas Balmès qui est devenu mon producteur."
C'est la rencontre entre la réalisatrice et son "personnage" qui a rendu possible le tournage du documentaire. Elle raconte : "Grâce à un contact, j’ai eu accès à une écurie de sumo. Kyokutenzan, un sumo mongol qui allait prendre sa retraite, m’a introduite auprès de l’écurie Oshima Beya. Un jeune homme allait bientôt intégrer l’écurie... le seul avant des mois. Il s’est avéré que ce jeune homme était Takuya.
Avec Tu seras Sumo/Shinbô, une vie normale, Jill Coulon filme véritablement le parcours initiatique d'un jeune adolescent : "Tu seras sumo est plus un film sur le passage de l’adolescence à l’âge adulte qu’un film sur le sumo même", souligne-t-elle.
Le narrateur est le protagoniste du documentaire, Takuya Ogushi : "J’ai fait des interviews avec Takuya régulièrement. Les lutteurs vivant en communauté, c’était le seul moyen pour moi de « l’isoler » des autres lutteurs et de recueillir ses sentiments. J’ai utilisé le son de ces interviews en voix off, afin que ce soit lui qui raconte sa propre histoire, comme si c’était son journal intime", révèle la cinéaste.
Dans le sumo, 82 prises différentes sont autorisées pour faire sortir l'adversaire du cercle de lutte. Les lutteurs, qui sont appelés rikishi, reçoivent un nom spécial après leurs premiers combats. Ils peuvent peser entre 75 et 280 kilos. Recrutés à l'adolescence, ils ont un rythme de vie très cadré, en fonction de leur rang, s'entraînant dès 5 heures du matin. L'après-midi, il dorment après le repas pour prendre du poids.
Tu seras Sumo/Shinbô, une vie normale est le premier long métrage de Jill Coulon. Auparavant, elle a travaillé avec la productrice Christine Le Goff sur le film de Werner Herzog, The Wild Blue Yonder, comme assistante de production. Elle a également été assistante réalisateur sur le projet Bébés, de Thomas Balmès, produit par Alain Chabat.
Pour réaliser son film, Jill Coulon s'est retrouvée en immersion dans un monde presque totalement masculin, accompagnée de son assistante et traductrice Mari Ikeda : "Le monde du sumo est emprunt de religion shinto. Or, dans cette religion, la femme est considérée comme impure, il lui est interdit par exemple de marcher sur le "dohyo" (l’endroit où les lutteurs s’entraînent et combattent). Dans une écurie de sumo, c’est souvent la femme de l’entraîneur qui régit la vie sur place ; elle nous a ouvert de nombreuses portes", explique la cinéaste.
Le titre japonais de Tu seras Sumo/Shinbô, une vie normale est Shinbô, mot dans la langue japonaise qui signifie "patience" et "persévérance".
Tu seras Sumo/Shinbô, une vie normale est un projet documentaire qui a mis du temps à voir le jour. Dans les salles en mars 2013, il était en chantier depuis 2008, année du tournage. Le montage a duré près de dix mois.
La musique, composée par un groupe français d'électro, dDamage (par ailleurs connu au Japon), est là pour créer un décalage, un contraste, avec l'univers Sumo.
Tu seras Sumo/Shinbô, une vie normale a été projeté dans plusieurs festivals de films documentaires, notamment en Russie et en Espagne où il a remporté des prix.