Fable philosophique, intensément poétique, secrètement sertie dans ce qui se présente apparemment comme un documentaire, «Le vent nous emportera» (1999) de Kiarostami est un bijou merveilleux! Behzad, qui se prétend ingénieur, séjourne dans un petit village reculé du Kurdistan iranien pour y réaliser un reportage sur les rituels mortuaires du pays. Attendant la mort d'une vieille femme, il est contraint de partager, avec une impatience très mal dissimulée, la vie des habitants du coin. Tout le génie de Kiarostami est ici de suggérer, par petites touches délicates, la lente transformation intérieure du personnage principal. D'une approche toute extérieure du phénomène de la mort, Behzad progresse vers un abord plus intérieur; et on le devine finalement concerné intimement par ce qui constitue le destin de toute l'humanité. En particulier, lors de cette séquence, pleine de grâce et très émouvante, où il jette à l'eau un tibia découvert dans une tranchée quelques jours auparavant. Avec cette manière inimitable qu'il a de confondre, dans une symbiose parfaite, la fiction et le documentaire, le réalisateur distille tout le long de son film une sagesse persane ancestrale, bien distincte de l'Islam iranien officiel. C'est notamment le cas lorsque Behzad lit le merveilleux poème de Forough ou lorsque le vieux médecin (qui rappelle le taxidermiste du «Goût de la cerise») lui transmet ses convictions très terriennes sur la vie et la mort. Coulé dans des images somptueuses aux qualités picturales saisissantes, «Le vent nous emportera» est tout simplement une merveille! Indispensable, cela va sans dire ...