On va le dire tout net, le bon bouche-à-oreille dont bénéficie « Money Monster » est parfaitement justifié. Le film dure 1h40 et l’action se déroule, à peu de choses près, en temps réel. Là où Jodie Foster (qui connait le métier) réussi bien son coup, c’est que jamais l’action ne faiblit, on est dans le film en moins de 5 minutes et on ne décrochera à aucun moment pour finir un peu lessivé au bout d’une 1h40 de prise d’otage. Ce n’est pas facile de tenir le rythme sans faire de déchets, des scènes en trop, de scènes un peu trop longue ou de dialogue qui s’éternise, peu y arrive en vérité. Jodie Foster maîtrise son film, elle sait placer sa caméra, elle sait maintenir le curseur du suspens toujours bien haut, elle sait aussi ce qu’il ne faut pas (trop) faire en terme de « scènes obligées ». Elle ne fait que peu de concession, un petit peu de pathos sur la fin, quelques dialogues un peu too much dans la bouche de George Clooney au début mais c’est tout. Le casting ne fait pas la part très belle aux seconds rôles, si l’on excepte celui tenu par Caitriona Balfe. Cette chargée des relations publiques d’Ibis n’a pas beaucoup de scènes (comparé aux trois autres) mais son rôle dans l’intrigue est capital. George Clooney et Julia Roberts, deux monstres du cinéma américain dont le talent ne fait plus de doute depuis bien longtemps, remplissent leur rôle en lui donnant une vraie épaisseur, ce qui est remarquable étant donné que le film se déroule sur quelques heures et quasiment sans changer de lieu. Mais c’est surtout à Jack O’Connel que je veux tirer mon chapeau. C’est difficile, je pense, d’incarner un type au bout du rouleau, sur les nerfs en permanence, désespéré et menaçant sans tomber dans le cliché et la caricature, et sans devenir très vite exaspérant. Et bien, Dans le rôle de Kyle, O’Connel est d’emblée très bien, très crédible, attachant malgré son arme et sa nervosité et le restera jusqu’à la fin. Il tient le choc face à deux acteurs hyper connus et très talentueux, c’est une vraie bonne performance. Le scénario de « Money Monster » est d’une finesse à laquelle je ne m’attendais pas, je le reconnais. Je m’attendais à une dénonciation franche et un poil moralisatrice du capitalisme triomphant. Elle est bel et bien là, cette dénonciation un poil trop appuyée, mais dans « Money Monster » il y a bien plus que cela. Le film jette un regard sans aucune complaisance sur le monde du journalisme de télévision. Je passe sur la vulgarité sans nom de l’émission de Lee Grand « Money Monster » où l’on parle de millions et de courbes qui montent ou descendent à la manière d’un Cyril Hanouna. Mais le scénario montre qu’il suffirait aux journalistes de chercher pour trouver, qu’il suffirait qu’ils se donnent du mal, juste un peu de mal au lieu de céder à la paresse intellectuelle ambiante, pour dénoncer de vrais scandales et faire bouger les lignes. Bref, le journaliste moderne ne redevient journaliste qu’un flingue sur la tempe, c’est peut-être ce qu’il y a de plus crédible dans « Money Monster », et je suis bien certaine que cela ne concerne pas que les journalistes américains ! Et puis le film tire aussi dans d’autres directions, il égratigne les caméramans qui ne savent plus qu’à un moment, il faut baisser sa caméra, que tout n’est pas digne d’être filmé. Il jette une giclée d’acide sur le web qui, en rendant tout accessible à tous, nivelle tout : l’important comme le futile. « Money Monster » n’est complaisant avec personne, au final. Le scénario est intelligent aussi parce qu’il est parsemé de petites fausses pistes ou casse les codes du film de prise d’otage. Par exemple, très vite on voit des images de l’émission en direct en Islande, en Corée, en Afrique du Sud. On croit que c’est pour montrer un peu bêtement que le direct de Lee Grant suscite l’intérêt du monde entier (puisque cela se passe aux USA, on doit tous regarder non ?) sauf que non, ce n’est pas cela du tout, une partie de l’intrigue va nous emmener dans ses pays là, l’un après l’autre. Autre exemple, la jeune épouse enceinte de Kyle est amenée par le Police pour amadouer le preneur d’otage, on s’attend à du pathos et paf, là encore on est pris à contrepied. C’est ce genre de choses qui font les films différents, les films réussis, les films dont on se souvient longtemps. La fin est comme il faut, je n’en imaginais pas d’autre possible, elle pour le coup était presque écrite d’avance et ne nous prend pas à contrepied mais toute autre fin aurait été… comment dire… malvenue et aurait gâché la bonne impression. Au niveau des tout petits défauts, on peut concéder que la dernière partie dans les rues de New York est la plus faible point de vue crédibilité, que le personnage de Clooney au début est quand même très outrancier et qu’un poil de pathos intervient vers la fin, mais c’est bien peu de choses au regard des vraies et belles qualités de « Money Monster ».