La déstructuration du fil temporel de ce film est un axe qui convient parfaitement à cette histoire. Cela donne la sensation, au spectateur, de rentrer dans un esprit brouillon, déstructuré, proche de ce que peut ressentir Nic, mais aussi son père, tout aussi victime que lui, mais d'une autre façon, des effets de la drogue. Cette déstructuration nous montre deux points importants : les moments de bonheur, d'amour et de complicité absolue, ainsi que les instants de souffrances, de mal entendu, de compulsion. On vagabonde dans ce film comme on traverse les souvenirs de quelqu'un, qui se remémore sa vie sans la classer chronologiquement. Et finalement, cette narration aléatoire est aussi une métaphore des rechutes : on ne sait jamais si un moment heureux, ou douloureux va suivre, si la nuit sera austère, ou le jour heureux : le spectateur est prêt à retomber à tout moment. Il y a aussi des moments vraiment sublimes dans ce film : quand Nic est en plein doute, au sommet de San Francisco. C'est une scène qui traduit la liberté de l'instant, et l'emprisonnement dans ce qu'il est, sa condition et l'impossibilité de s'en sortir. La poursuite de la belle mère est aussi un instant de grâce, extrêmement réussi, où elle se révèle et montre des séquelles comme tous les autres membres de la famille. D'ailleurs, aucun d'eux n'est négligé; les demis frère et soeur de Nic ont une place importante, ils montrent eux aussi, du haut de leur jeune âge, tout l'amour pour leur frère, qui leur manque. Le film est criblé d'imprévu, il montre une vie qui ne sait pas bien où elle est menée. Les acteurs sont excellents, les décors bien exploités et aussi très présents. Le choix de la maison est réussi, elle est à la fois proche de la nature, d'espaces ouverts, mais ressemble à une grotte où s'enterrent les mal aises et la culpabilité. Par ailleurs, il y a aussi plusieurs jeux intéressants entre les premiers plans personnages et les décors au second qui révèlent des paroles ou des pensées des personnages. Quand David expérimente la drogue, le fond de veille de son écran, psychédélique, nous suffit à rentrer dans son état d'esprit. D'ailleurs, l'axe de My Beautiful Boy est de ne pas montrer la toxicomanie comme on a l'habitude de la voir au cinéma, en jeune avec une vie "normale", qui a reçu de l'attention et des liens indestructibles avec sa famille, et n a de la compassion pour Nic, aussi bien quand il s'en sort que quand il replonge. La fin du film m'interrogeait depuis le début : comment achever de raconter cette histoire vraie, cette vie de chute et de remontées. Elle termine, intelligemment, comme elle a commencé, avec une brèche ouverte, un destin variable avec un grand trou noir.