Fight Club est un film produit par David Fincher et résulte de l’histoire originale provenant d’un roman du même nom. Il se range dans le genre du thriller psychologique et propose au casting une célébrité au cœur de ses années glorieuses, Brad Pitt dans le rôle de Tyler Durden. Il est sorti en 1999 et malgré son échec au box office, il a su devenir un classique au fur et à mesure des années avec sa sortie en DVD. Pour résumer l’intrigue, le narrateur, sans nom, est un homme qui finit par se lasser de la vie « banale » qu’il mène. Il crée donc avec un dénommé Tyler Durden un club de combats clandestins permettant à ses membres d'évacuer leur mal-être par la violence. Seulement ce n'était sans compter l’ampleur qu'allait prendre le Fight Club…
(Cette critique / analyse comporte de nombreux spoilers, et a été rédigée sans lecture d’analyse / critique extérieure à moi-même. Il est donc nécessaire d'avoir vu le film avant de lire l'analyse qui va suivre. Bonne lecture !)
I - Une critique de la société au coeur du conflit intérieur
Fight Club promeut une critique de la société claire et précise, et c’est probablement l’une des choses les plus simples à comprendre dans le film. Avant même de parler du précurseur des critiques de la société venant du personnage de Tyler, revenons aux sources et parlons du Narrateur.
Pour critiquer une société, il faut avant tout la définir. Le début du film s’en charge très bien, présentant le Narrateur comme une personne banale et sans grand intérêt pour le spectateur, outre le fait qu’il est le personnage principal. Souffrant d’insomnie chronique, il ne trouve aucune oreille prête à l’écouter et finira donc par mentir sur son état de santé pour trouver une personne à qui parler. Que ce soit le club du cancer des testicules ou alors celui du poumons, il en devient addict. Ainsi donc, on discerne la première critique de la société, les gens vous écoutent que lorsqu'on vous croit aux portes de la mort.
Seulement, l’arrivée du personnage de Marla chamboule ses habitudes. Alors qu’il reprenait un train de vie plutôt stable grâce à la diminution de ses insomnies, l’arrivée de Marla, menteuse sur son état comme lui, l’empêche à nouveau de trouver le sommeil. En effet, à travers ce nouveau personnage, il critique ses propres actes et culpabilise donc de ses actions. La culpabilité prend donc le pas sur sa morale. « Je n’arrive pas à pleurer si un autre menteur est là », comme il le dira lui-même à Marla.
Seulement, lors d’une discussion avec elle, la morale disparaît entièrement pour faire un portrait de ses personnages en marge de la société d’une manière décalée. Ils décident de se partager des fausses maladies pour ne plus se recroiser ; ici, ils banalisent des maladies graves, faisant preuve d’un égoïsme vif qui place le Narrateur et Marla au centre de leurs propres besoins. La culpabilité ne trouve plus de place au centre de leur relation.
Ainsi, cela l’amène, à travers un voyage pour le travail, à sa rencontre avec Tyler Durden. Il lui confiera plus tard ceci, : « J’étais à deux doigts d’être comblé », or, on voit très bien dans le développement de l’intrigue que c’est dans le déni que ce plonge le Narrateur et qui tente de le faire croire à Tyler pour se remonter son propre moral.
Nous arrivons à l’une des scènes les plus marquantes du film, bien qu’elle soit en grand nombre. Voici la fameuse critique de la société que nous propose Tyler : il demande au Narrateur d’arrêter de vouloir être parfait car la société de consommateur les distrait de ce qu’il doivent être. En d’autre terme, il critique la société américaine de l’époque et dénonce l'extrême consommation qui devient un objectif de vie pour la population. On peut aussi noter les discours qu’il fait au club, qui démontre bien la haine qu’il possède face à la société consommatrice (exemple de la télé et des publicités qu’il cite dans ses propos). « Tes possessions finissent par te posséder », dira-t-il.
Ces propos ne laissent personne indifférent, surtout le Narrateur. Il « sombre » du côté de la violence et de la philosophie Carpe diem par rapport à son ancienne vie qui se définissait par le total inverse. On commence donc à voir une dualité s’affirmer au sein même de la critique de la société.
On peut également voir que le Fight Club est la société de nuit, encore une opposition entre la société et l’animal de l’homme. Tyler et le Narrateur créent une société qui leur correspond. « Pour le club on se faisait beau », des règles sociétales se sont mises en place toute seule dans cette société inverse à cette de la journée, la société de jours étant violente, mais plutôt dans le sens psychologique.
Le Narrateur finit donc par se faire à cette nouvelle société créée sur mesure, et y plongera tête la première, au risque de perdre son ancienne vie.
II - Un narrateur qui sombre hors de la société
Marla, le Narrateur et Tyler représentent trois philosophies de vie différente. Marla penche vers celle du Carpe diem de Tyler, la scène de la route le prouvant assez facilement ; elle est au milieu de la route, sans peur, démontrant une philosophie de mourir à tout moment et que sa seule tragédie est de ne pas mourir. Pour le Narrateur, on pourrait même pencher sur une sorte de vision dépressive de la vie, notamment avec les pensées suicidaires dans l’avion, à un stade où il pense à l’assurance vie qui paie plus. C’est d’ailleurs à ce moment de détresse que Tyler apparaît, et c’est important de le noter pour la suite.
Tyler lui propose donc, implicitement, de dire au revoir à cette société qui le traite mal. Le Narrateur acceptera la proposition en commençant par vivre en colocation avec lui, préparant la suite des événements.
En effet, durant cette colocation, de nombreuses choses sont notables : Tyler ne semble pas avoir d’autre vie que celle qu’il côtoie avec le Narrateur et celle du Fight Club. Il ne prend la parole que lorsque le Narrateur se tait complètement, ou alors juste un peu, comme un chuchotement, comparable à une pensée évasive.
Le Narrateur, en plus de la colocation, adopte le mode de vie (et la philosophie, comme je l’ai déjà noté) de Tyler ; il se met à fumer comme lui, par exemple.
Ils deviennent tous deux de plus en plus délinquants en causant des dégâts même de jours, jusqu’à ce que Tyler aille très loin et menace une vie. Alors que l’inconscient avait repris le contrôle total sur le conscient du narrateur, la peur d’ôter une vie remet le Narrateur sur le devant de la scène. Mais c’est une mise en scène qui vise à remettre sur pied la motivation de l’homme menacée. Ainsi, le Narrateur est mis à l’épreuve, et malgré l’envie de suivre Tyler, il intervient et possède assez de pouvoir sur ce dernier pour interrompre son geste. On y voit, ici aussi, une dualité importante, qui est à noter pour la troisième partie.
III - Alter-égo face au TDI et multiples oppositions
Enfin, on arrive à la partie d’analyse la plus intéressante du film, celle des oppositions et des dualités. Et le film en possède de nombreuses.
La première, la plus distincte outre celle déjà citée entre la société de nuit (Fight Club) et la société de jours (celle que nous connaissons), la dualité première du film et celle entre Tyler et le Narrateur. Ce dernier, employé de bureau, et Tyler, un homme libre de toute morale sociétale, s’oppose en tout point et pourtant se rapproche. Tyler serait une sorte d'inconscient, avec ses actes irréfléchis et parfois enfantin, et Narrateur serait la conscience morale. Cette explication tient la route quand on sait que Tyler et le Narrateur sont en réalité la même personne, Tyler étant son alter-égo qu’il a lui-même inventé. Si cette information n’est annoncée qu’à la toute fin du film, on peut pourtant l'apercevoir dès les débuts.
Le narrateur brise le quatrième mur au début du film avec Tyler pour présenter ce dernier (métier (relier deux bobines de cinéma et profiter pour mettre des images coquines entre deux bobines) des passions et sa vie. C’est à cet instant précis, au moment où le Narrateur accepte entièrement Tyler, qu’il décide de le construire de toute pièce, sans pourtant réellement s’en rendre compte.
On peut également noter que Tyler est un enfant dans l’âme complètement opposé au narrateur ; il lui demande de le frapper comme pour le marquer physiquement de sa présence. Il le demande d’un ton allègre et amusé alors que le narrateur est perdu. C’est une manière de le déstabiliser. Le contraste entre les deux n’est que plus clair. Le Narrateur le tape tellement doucement que c’est probable que Tyler simulé, et pour cause ; c’est le premier coup qu’il s’inflige en réalité à lui-même, il fallait être prudent. Il le teste probablement puisqu’il en rajoute en le tapant à son tour (le Narrateur ne simule pas sa douleur). Ces deux coups symbolisent un pacte de sang. Ainsi, le Narrateur acquiert la capacité de se frapper lui-même comme si sa propre main appartenait à quelqu’un d’autre, chose qui lui sera très utile durant la scène avec son patron, où il tentera même de lui faire du chantage.
Parlons du métier du Narrateur ; jamais Tyler ne s’y rend. En effet, c’est un endroit très social ancré dans la société, et où Tyler n’a pas sa place. Et même si parfois, notamment dans la scène avec le chantage face à son patron, Tyler influe sur ses mouvements sans être présent, il n’apparaît jamais “physiquement”. Le lieu du travail en lui-même lui rappelle probablement trop son ancienne vie pour que Tyler ne puisse influer réellement sur cet environnement. Cela serait aussi une des causes de la création du Fight Club ; Tyler n’arrivant pas à apparaître dans les endroits en société, il a créé la sienne.
Le film offre également de nombreuses mises en scène intéressantes qui montre indirectement l’opposition entre les deux personnages : le Narrateur marche sur le trottoir tandis que Tyler marche dans l’eau en éclaboussant la rue. Cet acte est intentionnel est c’est que que notre petite voix nous dit souvent de faire (opposition raison / instinct). Il fera même du vélo dans la maison qu’il squatte avec le Narrateur. Il est une sorte de personnification de la petite voix dans notre tête qui nous propose de faire des choses sans aucun réel sens.
Concentrons nous sur une scène en particulier, celle de la blessure à la main. Elle est très significative du concept d’alter-égo et de la manière dont elle est traité dans le film. Tyler prend le contrôle et force le narrateur à comprendre ce qu’il cherche à lui dire par la douleur physique. Les pensées inconscientes sont ainsi devenues conscientes. « Les mots de Tyler sortaient de ma bouche », comme le dira Marla vers la fin du film.
Tyler prend, au fur et à mesure du film, une importance capitale et prend les devant de plus en plus fréquemment. Il finira même, comme le montre les dernières scènes du film (avec les mise en scène vision du Narrateur + vision du monde par le biais des caméras de surveillance) par devenir un danger pour le Narrateur, qui finira par le tuer.
Avant de clore cette partie, le film propose, éventuellement, une infime partie de fantastique par le biais de la dernière scène avec les effets de transition vision du Narrateur / caméra ; en effet, le Narrateur est littéralement transporté par une force invisible lorsque l’on regarde les caméras. Tyler serait-il devenu physique à la fin ? Une hypothèse à vérifier.
Sauf que à ce stade ce n’est pas de l’alter c’est du TDI puisque ce n’est pas qu’un ego (sauf si on part du fait qu’il y ai deux personnes) mais la théorie veut que ce sont plus deux personnes totalement différentes donc on se rapproche du TDI. Seulement, on garde le concept d’alter-ego avec d’un côté le conscient et l’inconscient + opposition bien / mal (un mixte entre les deux termes). On cite Jekyll et Hyde dans le film (donc + du côté de l’alter-ego). Le terme d'alter-ego est dit aussi de manière explicite. « Notre tête » = deux personnes donc pas qu’une ? (donc TDI sur ce point là.) On est donc sur un étrange mélange des deux, un peu brouillon mais qui permet de ne pas savoir réellement en quoi consiste la santé mentale du Narrateur.
Conclusion :
Fight Club est donc un film que j’ai pour ma part trouvé passionnant tant dans les thèmes traités (critique de la société, santé mentale, alter-égo) que dans la mise en scène. Si le personnage de Marla est à mon goût uniquement présent pour proposer des scène de sexe et de rajouter un penchant amoureux au film (et est malheureusement trop peu développer de mon point de vue pour devenir réellement interessante), le film reste un classique du cinéma dans le monde, et c’est bien mérité.
En bonus : à 12 min du film et d’autre fois toute avant l'apparition de Tyler, une image montée de Brad Pitt apparaît à l’écran durant une microseconde, images subliminales pour montrer qu’il est déjà présent avant son arrivée. 1h08 le mot « myself » apparaît en gros au fond, présentant l’égoïsme naissant du personnage à cause de Tyler.