J'ai mis 5 étoiles pourtant je ne sais pas si le l'adore ou si je le hais. C'est un chef d’œuvre du cinéma de ces 30 dernières années, pour moi c'est indéniable, mais disons qu'il me fascine autant qu'il me dérange. Je m'en méfie. Ce brulot, cet ovni cinématographique déborde largement de la pellicule sur laquelle il est contenu. C'est l'objet culte d'une génération, à la fois sombre et fascinant, qui se transmet, voyage sous le manteau, comme une arme ou une boite de pandore... intelligent, provocant, drôle mais aussi vicieux, cynique, désabusé et peut être tout simplement dangereux. Fight Club a surement influencé négativement plus de jeunes gens en mal de repères qu'on ne veut bien l'admettre et Il en fera de même avec la génération suivante. Presque 20 ans après sa sortie, ce film de fin de siècle et de millénaire se projette en fait loin en avant dans le 21ème siècle et n'a jamais été aussi terriblement actuel qu'aujourd'hui. Le génial David Fincher, venu du monde du clip publicitaire, média engendré par l'ultra consumérisme dans lequel nous vivons, se propose de désintégrer de l'intérieur à la manière d'une bombe placée dans un centre commercial le monde dont nous vivons et dans lequel nous vivons tous. Une introspection sociologique jusqu’au-boutiste, totale et presque trop virulente, comme un exutoire. Au delà du film porté par des comédiens totalement investis et épris de ce projet diabolique de déconstruction de la société, il y a les idées, les slogans et leurs impacts sur des esprit faibles qui ne les interprèteraient pas au bon degrés ou ne les recevraient que partiellement. Fight Club utilise les méthodes de la pub contre la pub, la mode, l'homme ET la femme modernes ( dont on ne distingue plus toujours les différences ) et finalement toutes les valeurs et les règles qui encadrent nos sociétés. Il ressemble à un film publicitaire au rythme vif, épileptique et au montage presque racoleur mais l'ensemble n'est pas glamour, non, il est totalement déjanté et sale avec un Brad Pitt en icône débordante de virilité, véritable fantasme pour midinette, qui te balance dans la figure qu'il faut s'auto-détruire et tout démolir autour de soi pour renaitre et exister ! Fight Club vient chez toi comme une bombe sexuelle qui te propose une nuit torride en l'échange d'un virus mortel. Par certains cotés, oui, c'est de la propagande nihiliste et anarchiste et tant pis si tu ne vois pas plus loin; Fight Club se fout royalement d'être perçu comme tel tant il est désabusé et cynique. Peu importe ce que tu feras, concrètement, du message et du degrés auquel tu le recevras, il n'y a pas d'autocensure et pas de garde fou. C'est là toute la force du film d'ailleurs. Au spectateur de faire preuve d'intelligence s'il en est suffisamment pourvu. Provocant et dérangeant jusqu'au bout, sa promotion ressemblait à une sorte d'opération clandestine de la part d'une secte anarchiste. On voyait ainsi des écriteaux signés Tyler Durden, en forme de tags sur le murs à Sundance ou encore des affiches géantes dépliées sur des buildings avec des messages provocants à caractère sexuel pour moquer notre société du culte du corps parfait, de l'apparence physique, de la futilité, de la performance et de l'argent. Fincher s'est il rendu compte de la puissance du message et du degrés de subversion ? Je le soupçonne assez malin pour répondre par l'affirmative. Il peut toujours rejeter la faute sur l'auteur du livre, Chuck Palahniuk qui va d'ailleurs plus loin que lui encore, mais son film a un potentiel de diffusion bien plus grand. La scène finale a quelque chose de prophétique et de terrifiant, à tel point qu'on a parfois l'impression que depuis le début des années 2000 nous vivons en réalité dans son film... Où et quand s'est produit l'inversion ? Quand le cinéma devient si proche d'une réalité si tragique, on peut se demander qui a engendré quoi, qui a inspiré qui ? L'auteur et le réalisateur ont juste mis les mots et les images sur ce quelque chose que tout le monde avait sur le bout de la langue, juste devant les yeux, là, prêt à se produire. Je dirais qu'il faut le voir parce que c'est un grand film mais qu'il faut le voir avec intelligence.