Dans l'ordre, "Welcome Back" - "Aloha" en VO - c'est : des accusations de white-washing (c'est vrai qu'on ne pense pas forcément en premier à Emma Stone pour représenter la communauté hawaïenne, les origines sino-suédo-hawaïennes de son personnage restent un peu en travers de la gorge), un mail de chez Sony où les cadres du studio prédisent un énorme échec au film à cause de la faiblesse du scénario, des critiques américaines assassines, un méga-flop au box-office US, une sortie française sur grand écran annulée et remplacée par une distribution en catimini en VOD...
Si l'on en croit tout ça, vouloir regarder "Welcome Back" aujourd'hui reviendrait presque à s'enfermer dans une petite cave sombre avec une bande de hyènes affamées et pas très adeptes du veganisme.
Pourtant, c'est un film de Cameron Crowe. CAMERON CROWE, les gars !! Le mec à l'origine de "Singles", "Jerry Maguire", "Presque Célèbre", "Vanilla Sky" ou même "Rencontres à Elizabethtown",... Certes, il n'a pas pondu grand chose pendant une petite dizaine d'années hormis un sympathique "Nouveau Départ" et quelques documentaires mais ça n'en fait pas le dernier des manchots pour autant. Et puis, il y a ce casting à se fracasser la tête contre les murs : Bradley Cooper, Emma Stone, John Krasinski, Rachel McAdams, Bill Murray, Alec Baldwin, Danny McBride, Ivana Milicevic... Punaise, ça ne peut pas être si mauvais avec une telle équipée !
Après visionnage (et, personnellement, en tant qu'aficionado ultime de Crowe), on ne peut que le constater : "Welcome Back" est loupé. Mais pas un ratage à vouloir enfermer tous les membres de la production dans une geôle nord-coréenne, non, juste... loupé. Ce sentiment que quelque chose ne fonctionne pas ne quitte pas le film jusqu'à son générique de fin. Et, pourtant, au milieu de toute cette maladresse générale, il y a de bons moments (voire même de très bons), naïfs mais toujours sincères et qui rendent ce "Welcome Back" indéniablement attachant.
Bon, OK, le démarrage du film est catastrophique et met d'emblée en exergue son principal défaut : l'impossibilité de relier entre elles les trois grandes thématiques du récit pour en faire un tout en forme de parcours initiatique sentimental.
Plutôt classique, l'histoire du héros (Cooper) sans attaches partagé entre un ancien (McAdams) et un nouvel amour (Stone) est ce qui marche le mieux. Mais cette idée de vouloir la raconter en liaison avec une sous-intrigue bien trop simpliste autour du lancement d'un satellite privé couplée à un hommage à la si riche culture hawaïenne ne prend jamais. On tente de relier très grossièrement la destinée du personnage principal aux mythes hawaïens par l'intermédiaire d'un gamin passionné de ces légendes ou par l'ambiance si particulière du célèbre archipel, il en résulte bien une ou deux jolies scènes (la ballade dans la jungle ou le mini-concert des locaux) mais la combinaison voulue est construite de manière tellement aléatoire qu'on n'y croira que très rarement.
Si l'on abandonnera très vite de donner du crédit à la globalité du propos, "Welcome Back" va peu à peu se transformer en "film d'instants", des moments lumineux touchés par la grâce que seul un cinéaste comme Crowe peut nous faire vivre sans la moindre once de cynisme.
Les premiers pas hasardeux de la rencontre amoureuse (Bradley Cooper irrésistiblement attiré par le charme ravageur d'une désarmante Emma Stone), la confrontation à un amour laissé en suspens depuis des années (Rachel McAdams, géniale, comme toujours), une mini-rupture dans un restaurant où il est question d'un chapeau avec lunettes de soleil intégrées, une danse endiablée entre Emma Stone et Bill Murray, les apparitions tonitruantes d'Alec Baldwin, les scènes de silence hilarantes entre le héros et le mari de son ex (excellent John Krasinski) ou encore une séquence de retrouvailles finales ô combien émouvante, il y a tout ça dans "Welcome Back" et même bien plus !
Cet espèce de dieu musical de Crowe emballe ça comme à son habitude avec une bande originale génialissime que l'on aimerait être celle de nos vies et, au final, "Welcome Back" arrive à dépasser tous ses nombreux défauts pour faire pleinement ce pourquoi il a été conçu : nous balader pendant un peu moins de deux heures sur un petit nuage hawaïen où s'entrecroisent de nombreux sourires et quelques larmes.
Très loin d'être la catastrophe annoncée, "Welcome Back" est juste un film maladroit qui restera sans doute comme le plus faible de Cameron Crowe.
Mais, si tous les réalisateurs pouvaient commettre de tels impairs lumineux, on en redemanderait sûrement...