Alors qu'il s'installe dans le studio où sa fille lui a demandé de venir pour enregistrer le texte qu'il a écrit, le père de Sarah Polley lui dit : "Tu m'expliqueras ce que tu es en train de faire, les deux caméras...", ce à quoi elle lui répond : "C'est un processus interrogatif.", ce qui n'empêche pas son père de se questionner : "Mais qui ça intéresse ?". Deux questions pertinentes, en effet. A priori, qui peut bien être intéressé par l'histoire de la famille Polley, qui à première vue se résume au drame d'une mère emportée très tôt par le cancer ? Et à quoi sert tout ce dispositif, l'interview de tous les membres de la famille, avec un montage parallèle et chronologique qui fait qu'un frère semble terminer la phrase de sa sœur, le texte très écrit lu par le père, et les images Super-8 qui semblent illustrer trop parfaitement les propos de chacun jusqu'à ce qu'on comprenne qu'il s'agit d'acteurs qui jouent un passé recomposé ?
Déjà, l'évocation de la mère intrigue, d'abord avec des descriptions unanimement positives, sur son énergie, sa vitalité, sa bonne humeur, et qui lentement glissent sur un autre portrait, celui d'une femme insatisfaite, peu sûre d'elle-même, un papillon attiré par la lumière qui m'a évoqué par moment la mère de Delphine De Vigan dans "Rien ne s'oppose à la nuit". Et puis vient la narration de cet épisode où Diane est partie à Montréal jouer une pièce, quelques mois avant la naissance de Sarah, ce doute d'un seul coup sur la paternité qui se traduit après la mort de Diane par ces plaisanteries sur la différences de traits entre elle et son père, jusqu'à ce que la rumeur ancienne se transforme en révélation, mais pas forcément celle à laquelle tout le monde pensait. L'appareillage monté par Sarah Polley fonctionne, l'émotion est au rendez-vous quand une sœur évoque la relation du père éperdu de chagrin avec sa petite dernière après la disparition de sa femme, en remarquant "Il semblait te reprocher de ne pas t'occuper du chien, alors que tu étais une enfant dont personne ne s'occupait", ou que le père biologique réponde face à la caméra, "oui, c'était avec moi".
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