Jumanji... La simple lecture de ce titre agit comme une machine temporelle et nous revoilà en 1995. Les grondements des tam-tams fusent, les dés sont lancés, les pions se déplacent seuls, des énigmes en lettres jaunes vaporeuses apparaissent et la partie est lancée. L'oeil pétillant de l'inoubliable Robin Williams en Alan Parrish, un petit garçon se tranformant en singe, une toute jeune Kirsten Dunst, une ville ravagée par des animaux fous furieux, le chasseur Van Pelt... Cette profusion de souvenirs prouve à elle seule l'impact d'un film qui, mine de rien, était un des derniers vestiges de ces longs-métrages imprégnés à la fois d'une innocence enfantine et d'une réelle intelligence originale dont l'espèce cinématographique s'est bizarrement rapprochée de l'extinction avec l'arrivée des années 2000. Sans trop s'avancer, on peut désormais considérer que "Jumanji" reste (et restera) une de ces oeuvres cultes dont l'émerveillement se transmet(tra) d'une génération à une autre...
Mais nous voilà en 2017, en pleine période nostaldingo-mercantile où les remakes/reboots/suites sont devenus une voie facile (et hélas courante) pour ressusciter -comprendre "exploiter le filon"- des grands titres de l'enfance d'une partie des spectateurs afin de les attirer et de séduire l'autre frange, plus jeune, avec une resucée de ces films qui ont fait leur preuve en tant que succès. Hélas, trop souvent, la magie des oeuvres originelles ne reste, elle aussi, qu'un lointain souvenir dans ces nouvelles relectures. Néanmoins, si on veut être tout à fait honnête, il y a évidemment des exceptions qui ont su renouer avec l'esprit de leurs inspirations et on sait que l'univers de "Jumanji" a un réel potentiel à pouvoir s'étendre comme en témoigne l'excellente série animée qui avait suivi le film. Alors qui sait ?
Croyez-le ou non, mais cette "standalone sequel" (terme barbare pour désigner une suite qui se situe dans le même univers sans rien à voir avec le premier film) démarre plutôt bien. Bon, il faut avaler la transformation ridicule du célèbre plateau de jeu en vieille cartouche de jeu vidéo mais "Jumanji : Bienvenue dans la Jungle" tire vraiment bien parti de son concept dans son premier tiers. Après les présentations des jeunes lycéens caricaturaux au possible, le spectacteur va se régaler à les voir évoluer en live dans la jungle au travers de leurs nouvelles apparences sélectionnés en début de partie. Évidemment, ils sont à l'opposé de leurs propres caractères et l'absurdité totale de la situation qui va en découler va permettre aux acteurs de délivrer de savoureux numéros hilarants. The Rock s'éclate en geek peureux (même des écureuils), Karen Gillan crève l'écran dans le rôle de la fille coincée se retrouvant dans le corps d'une "Lara Croft" et, surtout, Jack Black en blonde écervelée est à hurler de rire (la scène de la pause-pipi !). Seul Kevin Hart en athlète frustré par son nouveau gabarit semble (encore) se répéter mais la dynamique parfaite du groupe permet de l'oublier.
De même, la découverte des codes des jeux vidéos appliqués à de véritables personnes dans cette réalité alternée va amener une profusion de vannes bien pensées (les skills, les IA débiles, ...). Bref, on se marre beaucoup et, même si le film ne parvient jamais réellement à renouer avec la magie enfantine du premier opus, on se dit qu'on est tout de même parti pour passer un bon moment...
Sauf que non. Après ce gros arc introductif réussi, "Jumanji : Bienvenue dans la Jungle" va se montrer incapable de tirer profit de ces bonnes intentions de départ et va s'enfourner dans une intrigue ne délivrant que le minimum syndical. À force d'entendre les protagonistes dire qu'ils sont dans un mauvais jeu vidéo, on se rendra compte qu'ils le sont en fait vraiment.
Un schéma faiblard se met en effet rapidement en place : les joueurs passent des niveaux de plus en plus indigents en inventions et ceux-ci sont invariablement entrecoupés de temps morts où les joueurs dialoguent de leurs atermoiements personnels pas follement originaux. Et puis, il y a ce gros problème d'antagonistes : non seulement les animaux sont quasiment secondaires mais, à l'inverse de ce que la mythologie du premier "Jumanji" pouvait laisser penser, ce monde pullule d'humains et c'est sur ceux-ci que mise avant tout ce nouvel épisode. Pas de bol, hormis le fait d'avoir des insectes qui lui sortent de tous les orifices, le boss final interprété Bobby Cannavale ne représente jamais une menace crédible et susceptible de mettre de vrais bâtons dans les roues de nos héros.
Ainsi, "Jumanji : Bienvenue dans la Jungle" paraîtra être en pilote automatique jusqu'à l'affrontement final et n'offrira que très peu de surprises. Seules la sympathie évoquée pour le groupe de joueurs et les dernières minutes du film raviveront quelque peu la flamme émotionnelle pour nous rendre le voyage dans cette jungle virtuelle plutôt agréable mais hélas tellement oubliable.